J'étais étonnée lorsque ma grand-mère, alors que son mari était déjà décédé, me demandait parfois:
Elle me demandait de masser vigoureusement son cuir chevelu. J'ai fait ce qu'elle m'a dit, sans comprendre.
A peu près à la même époque, dans les années 1990, Peggy Kleinplatz, directrice de l'équipe de recherche sur les expériences sexuelles optimales à l'université d'Ottawa, a remarqué que c'étaient les clients de plus de 60 ans qui avaient les vies sexuelles les plus épanouies. En effet, après une grave maladie ou avec une nouvelle infirmité, ceux-ci étaient souvent obligés de réinventer leur façon d'avoir des contacts physiques.
Ils ont alors vécu des expériences sexuelles géniales, décrit Peggy Kleinplatz, bien loin de ce que les jeunes rapportent généralement.
L'idée d'une sexualité engourdie chez les personnes âgées est un cliché que la recherche récente a mis au jour. La psychologue Karolina Kolodziejczak de l’université de Berlin y a également contribué. Elle a analysé une enquête menée auprès de 1514 seniors berlinois. Certes, l'activité sexuelle et les fantasmes diminuent avec l'âge. Mais l'intimité liée à la proximité physique reste.
La vie sexuelle à partir de 60 ans est très variée. Des personnes célibataires ont déclaré n'avoir jamais eu de rapports sexuels. Mais environ un tiers des personnes âgées de 60 à 82 ans ont eu plus de contacts physiques et donc une vie sexuelle plus riche qu'un groupe de comparaison âgé de 22 à 36 ans.
L'image des personnes âgées asexuées se focalise sur le déclin effectif des fonctions sexuelles. Et la médecine sexuelle s'intéresse avant tout à ces dernières:
«Celui qui croit qu'il s'agit de performance ne pourra probablement jamais faire d'expériences sexuelles marquantes», prévient-elle. Et Klaus Beier, sexologue renommé à la Charité de Berlin, ajoute:
Les interviews de personnes âgées ayant vécu de riches expériences sexuelles ont permis à Peggy Kleinplatz d'établir que les partenaires doivent avant tout se faire confiance. Ils doivent s'engager de manière empathique l'un envers l'autre, se connaître et se valoriser. Cela présuppose aussi de l'authenticité et de la maturité. Elle explique:
Il s'agit d'être présent et d'entrer en contact émotionnel intense avec son ou sa partenaire et de communiquer avec l'autre par le biais de son corps. C'est pourquoi la qualité sexuelle dépend en premier lieu de la qualité de la relation.
«Avec l'âge, on pense plus à la qualité qu’à la quantité», explique Karolina Kolodziejczak. Les couples abandonnent l'idée qu'une certaine fréquence des rapports sexuels est nécessaire.
Comme chez les personnes plus jeunes, la proximité physique contribue au bien-être des personnes âgées. Chez les hommes, le niveau de stress diminue et les sentiments positifs augmentent. Chez les femmes aussi, l'humeur s'éclaircit après un contact physique.
Klaus Beier explique:
Le fait d'être en lien avec les autres est l'un des besoins fondamentaux les plus importants de l'être humain.
Il ajoute: «Nous constatons également cette importance évolutive de l'intimité physique chez les chimpanzés nains. Après un événement stressant, les contacts physiques au sein du groupe augmentent, sans qu'il y ait forcément de coït ou même d'orgasme.»
Le toucher entraîne la sécrétion de l'hormone appelée ocytocine. Elle stimule le sentiment de sécurité et de sûreté.
Les caresses activent également le système parasympathique, la partie du système nerveux qui assure le repos et la régénération. L'être humain a besoin de ces pauses physiologiques, explique Klaus Beier.
En effet, les personnes âgées sexuellement actives sont en meilleure santé: elles ont moins de problèmes cardiaques, une meilleure estime de soi et sont plus confiantes. La psychologue Anik Debrot de l'Université de Lausanne a constaté que ces effets positifs se manifestent même lorsque l'on est réticent à l'égard de son partenaire sur le plan relationnel.
Toutefois, la maladie entraîne naturellement une baisse de la sexualité, ce qui peut déclencher un cercle vicieux. D'autres études sur l'âge montrent que les désirs et la réalité de la vie sexuelle sont très éloignés chez certains. Certains, en particulier les femmes, veulent de l'intimité, mais ne l'obtiennent pas. Ce risque est grand lorsque le partenaire est décédé.
Mais il y a aussi des couples chez lesquels la sexualité s'éteint.
Il critique ce «phallocentrisme».
En effet, les personnes âgées qui désirent un contact physique mais qui ne l'obtiennent pas, sont nettement plus stressées, car un désir non satisfait provoque un nouveau stress. De nombreux couples gagneraient à découvrir la proximité physique sans rapports sexuels. Ils se porteraient certainement mieux. (aargauerzeitung.ch)
Traduit de l'allemand par Anne Castella