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Athlétisme: Lobalu pourra représenter la Suisse... en 2026

Dominic Lobalu au meeting de Lucerne.
Dominic Lobalu au meeting de Lucerne.Keystone

Lobalu peut enfin courir pour la Suisse mais on lui vole sa carrière

Le coureur de fond Dominic Lobalu, l'un des meilleurs au monde, est autorisé à représenter la Suisse sans en avoir le passeport, mais seulement à partir de 2026. Ses plus belles années sont fichues.
06.09.2023, 06:1406.09.2023, 11:54
Ralph Streule
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Les médias du monde entier en ont fait leur Une sur le thème: «Le coureur sans pays.» Dominic Lobalu, 25 ans, l'un des meilleurs coureurs de fond actuel, n'était pas autorisé à disputer les championnats du monde de Budapest. Son cas est absolument unique. La décision prise par World Athletics vendredi dernier et révélée par CH Media (dont fait partie watson) est presque tout aussi unique.

Dominic Lobalu vit à Abtwil (Saint-Gall) et ne possède pas de passeport suisse. Mais son statut va changer: le Sud-Soudanais d'origine pourra représenter la Suisse dans les compétitions internationales à partir de 2026. Il s’agit d’une décision remarquable prise par l’autorité compétente de World Athletics. Remarquable, car il n'existe aucun cas comparable d'un athlète autorisé à concourir pour un pays sans en détenir le passeport.

Il est vrai que dans un cas aussi complexe, le comité ne se base pas uniquement sur la citoyenneté. Les meilleurs athlètes d’un sport doivent pouvoir s’affronter dans des championnats du monde: la décision de réhabiliter Lobalu sert l'intérêt du sport. Ou plutôt le servirait... s'il n'y avait pas un temps de latence.

Lobalu ne pourra véritablement démarrer sa carrière internationale qu’en 2026 et d’ici là, de surcroît, World Athletics devrait notamment exiger de lui des liens plus étroits avec la Suisse. Or la relation actuelle peut difficilement être plus étroite. L'entourage de Lobalu est 100% suisse. Le LC Brühl est devenu sa maison, l'entraîneur Markus Hagmann son ami. Lobalu travaille dans le magasin de sport local et participe aux courses régionales. Il dit ressentir un sentiment d’appartenance pour la première fois de sa vie.

Il est regrettable que la fédération internationale insiste ici sur un délai d'attente, ce qu'elle ne fait pas dans de nombreux autres cas de naturalisations facilitées. Des cas où certains athlètes obtiennent un passeport sans avoir à démontrer un quelconque lien avec leur nouveau pays. Autre point: la nationalité est plus facile à obtenir dans presque tous les autres pays du monde que la Suisse. Le comité de World Athletics n’en tient pas compte.

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Après son record du meeting de Lucerne sur 3000 m.Keystone

Qui aurait quelque chose à perdre si Lobalu pouvait commencer sa carrière au plus haut niveau sans attendre? Dès lors que l’autorisation est accordée, pourquoi ne pas la mettre en oeuvre dans un délai raisonnable? C'est peut-être la peur des préjugés, la peur d'ouvrir la porte aux usurpateurs. Mais le risque qu’un nouveau «cas Lobalu» surgisse bientôt, à un tel niveau de complexité, est extrêmement faible. La décision de la fédération internationale n’est donc courageuse qu'au premier abord. Si elle est maintenue en l'état, Lobalu, 25 ans, perdra ses meilleures années de sportif, un âge d'or sans championnat du monde ni Jeux olympiques. Il y aura deux perdants: l'athlète et le sport.

Une situation impossible

Swiss Athletics avait déjà milité pour que son protégé participe aux championnats du monde d'août dernier à Budapest. Lobalu aurait été en mesure de s'aligner sur 5000 m et 10 000 m avec, à chaque fois, une bonne chance d'atteindre la finale - même s'il n'a pas totalement conservé sa forme exceptionnelle de 2022.

Sa situation délicate est bien connue: Lobalu n'a pas pu intégrer l'équipe des réfugiés aux récents Mondiaux d'athlétisme parce qu'il a quitté cette équipe en 2019 pour s'enfuir en Suisse. On ne peut pas davantage s'attendre à ce que ce Sud-Soudanais, orphelin, rejoigne son pays d'origine après en avoir été chassé à l'âge de 9 ans. Enfin, Lobalu, détenteur d'un permis B depuis ce printemps, ne recevra vraisemblablement pas son passeport suisse avant 2034 au plus tôt, même s'il vit et s'entraîne dans la région de Saint-Gall depuis 2019.

Un grand habitué des courses régionales.
Un grand habitué des courses régionales.Keystone

L'athlétisme suisse a donc voulu apporter son aide, «dans l'intérêt du sport» et non pour donner au pays un coureur de haut niveau. Christoph Seiler, président de Swiss Athletics: «Nous sommes heureux et reconnaissants que (...) la décision tienne compte de l'histoire extraordinaire de Dominic Lobalu. Nous sommes heureux que Dominic ait la possibilité de représenter la Suisse dans les championnats internationaux. Cependant, nous constatons également que ce droit est associé à un long délai d'attente et qu'il est soumis à conditions.»

Swiss Athletics ne veut pas attendre 2026 les bras croisés. Christoph Seiler l'affirme: «Nous allons maintenant examiner la décision et les conditions plus en détail et décider de la manière de procéder. Nous pensons que Dominic Lobalu devrait être éligible (...) avec effet immédiat – tout le reste va à l'encontre des valeurs du sport. » La décision de World Athletics peut être reconsidérée.

Pour Lobalu, un long combat entre dans une nouvelle phase. Le coureur remercie Swiss Athletics «pour son soutien inconditionnel» et se réjouit de l'opportunité de représenter la Suisse lors des grands événements à partir de 2026. «Mais il reste encore un long chemin à parcourir. Je préférerais courir aujourd'hui plutôt que demain pour le pays et les gens qui, en tant que réfugié, m'ont permis de me sentir chez moi pour la première fois de ma vie. En tant qu'athlète, vous rêvez de médailles aux championnats du monde et aux Jeux olympiques. Je vais continuer à poursuivre ce rêve.»

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