Les souvenirs des Championnats du monde de biathlon 2023 à Oberhof sont encore proches. Comment ne pas oublier la domination du Norvégien Johannes Thingnes Bø? Et ce titre à domicile de l'Allemande Denise Herrmann-Wick, à quelques jours de sa retraite sportive? Der Zug hat keine Bremse, devenu de manière invraisemblable l'hymne de la compétition, résonne encore.
Les Mondiaux à Oberhof avaient ce petit quelque chose en plus. L'événement se tenait sur un lieu emblématique de la Coupe de monde. Un endroit chargé d'histoire, que l'on surnomme tendrement la Mecque du biathlon, grâce à son stade à ciel ouvert perdu dans les grands sapins noirs. Le coin est apprécié - tout le monde s'y rend au début de chaque année.
Aujourd'hui, la fête est pourtant terminée. Les images qui nous parviennent du Land de Thuringe nous rappellent à quel point Oberhof a toujours été un site compliqué. Le vent, le brouillard et la pluie n'épargnent que très rarement les biathlètes de ce côté-ci de l'Allemagne. Pas si étonnant donc que le sprint masculin - prévu ce jeudi - ait été reporté à vendredi «en raison de la douceur des températures actuelles, de la pluie et des vents forts».
La neige artificielle est devenue la norme au centre de l'Allemagne, sur un stade qui «culmine» à 800 mètres d'altitude. Certes, d'autres étapes font parfois usage de neige de culture: nous pensons par exemple au Grand Bornand en France. A Oberhof en revanche, nous avons fini par nous habituer à ce long serpent blanc, contrefait, qui déambule chaque année ou presque dans la forêt de Thuringe.
Mais la neige artificielle ne suffit pas à tout résoudre. Surtout dans les conditions qui touchent actuellement la région. La piste sur laquelle évoluent les athlètes à l'entraînement, du moins une partie, est indigne de la Coupe du monde. La neige, parfois ocre, parfois gorgée d'eau, est à certain passage mélangée à de la sciure, de la terre et des cailloux.
Quid des «petites nations», qui ne disposent pas de camion de fartage et ne trouveront pas nécessairement la solution pour glisser efficacement, si les épreuves sont maintenues? Pensons aux athlètes. Eux qui se préparent durant des mois et se retrouvent ici à Oberhof, pendant qu'à Antholz en Italie, les conditions sont parfaites comme souvent à cette période de l'année.
Malgré l'histoire qui entoure le lieu, malgré les souvenirs encore frais dans nos mémoires, nous sommes en droit de nous demander à quoi bon. A quoi bon persister, à quoi bon revenir d'année en année? Ces conditions difficiles, qui rendent l'étape si particulière et faisaient même autrefois son charme, nous ne voulons plus les revoir.
V Oberhofu zatím velký špatný. 😐
— Český biatlon (@ceskybiatlon) January 4, 2024
„Zhruba na 10 % trati je sníh bílý a zbytek je hodně špinavý, měkký, plný kamínků a štěpky,“ glosoval podmínky na středečním tréninku Jonáš Mareček.
Organizátory tu dnes a zítra čeká hodně práce.
📷 Petr Slavík pic.twitter.com/vSUXv8Hc6c
La télévision allemande (qui apporte les meilleures audiences) et les principaux sponsors (allemands eux aussi) regardent certainement les choses d'une manière différente. Et nous les comprenons. Eux souhaitent conserver deux étapes de Coupe du monde outre-Rhin chaque saison, dont celle d'Oberhof, qui attire les foules. Or le circuit mondial pourrait très bien faire escale à deux reprises à Ruhpolding, l'autre Mecque du biathlon. Certes, la ville bavaroise est située plus bas encore en altitude qu'Oberhof. Elle doit aussi faire face au manque de neige de temps à autre. Mais les conditions y sont globalement meilleures.
Retirer Oberhof du calendrier impacterait probablement les finances de l'Union internationale de biathlon (IBU), déjà affectée par la perte du marché russe, depuis le début de la Guerre en Ukraine. Il y aurait également des pertes au niveau local. Dans la région, le signal envoyé ne serait pas satisfaisant. D'autant que le complexe touristique d'Oberhof, développé à l'époque de la RDA, contient aussi une piste de luge artificielle et le célèbre tunnel à ski, long de près de deux kilomètres.
Sachant le coût des travaux pour rénover l'arène de biathlon en amont des Mondiaux (29,8 millions d’euros), le site ne devrait pas être rayé de la carte de sitôt.
L'IBU serait néanmoins bien inspirée de revoir sa programmation à l'avenir. Peut-être est-il temps de favoriser les étapes en altitude (Antholz, Lenzerheide, Hochfilzen) et celles en Scandinavie (Holmenkollen, Östersund, Kontiolahti), quitte à y rester plus longtemps. Peut-être faudrait-il gagner en flexibilité, et se rendre à Oberhof à une autre période, ou uniquement lorsque la neige est au rendez-vous.
How many years of spreading artificial snow (produced in a giant fridge) on soaked ground do @biathlonworld need to follow his environmental engagements?
— Martin Fourcade (@martinfkde) January 3, 2024
Perhaps time to choose a venue who fits with our era. #oberhof https://t.co/5yqSZvujwO
La Thuringe, surnommée le «coeur vert de l'Allemagne», n'a plus rien de blanc. La situation nous prouve une fois de plus que le ski en moyenne montagne - là où l'on pratique volontiers les disciplines nordiques - est appelé à disparaître. Comme ces stations à basse altitude qui se réinventent, le biathlon doit évoluer. Qu'il s'adapte à son temps avant qu'un jour, le ski-roues ne devienne possiblement la norme.