Controverse au Pays de Galles: Ryan Giggs, empêtré dans une affaire de violences conjugales, a décidé de disparaître et l'a fait savoir à sa hiérarchie. Un poids trop lourd à porter pour le légendaire ailier de Manchester United.
L'icône de ManU fut élue joueur du siècle par les supporters. Mais sa fidélité au club n'a pas trouvé de prolongement dans le mariage. Tromperies et climat tendu à la maison, Ryan Giggs n'en menait pas large dans sa vie privée.
A l'instar d'un politique ou d'une star de cinéma, le sportif est soumis à un jugement constant. Mais le grand bain populaire oublie souvent que derrière la figure culte se cache un homme. N'entend-on pas à maintes reprises: «La face cachée de l'homme aux dix titres» ou «derrière le sourire, une face plus sombre»? C'est souvent vérifié. Ces innombrables faces cachées ne font qu'attiser la curiosité et participent à un genre de folklore de notre ère, celui qui consiste à démontrer que les célébrités sont comme nous.
La vitrine médiatique fait souvent disparaître l'arrière-boutique. Les vampires des réseaux sociaux ne le comprennent pas, ou préfèrent ne pas le comprendre. Pour eux, une star n'a pas de failles. Et bien que tout le monde le sache, en 2022 encore plus qu'avant, porter un personnage aux nues, c'est risquer de tomber de haut un jour.
Derrière le terme idole se cache le divin, le spirituel, d'un idéal qui pousse à la vénération. Un mot puissant qui prend des airs de figure christique. Giggs incarne la nostalgie, le fidèle lieutenant de Sir Alex Ferguson, membre d'une génération mancunienne dorée. Impensable pour certains de voir l'ombre d'un homme assombrir la lumière d'un grand joueur. Carl Gustav Jung écrivait qu'«il n’y a pas de lumière sans ombre et pas de totalité psychique sans imperfection».
Cette imperfection se conjugue avec les souvenirs de fans. Le sportif représente une forme de surestimation, d’idéalisation, d’absence de critique, et parfois de déni ou de soumission qui colle à l'imaginaire collectif. Alors, Ryan Giggs, pris en flagrant délit d'adultère, a servi ce plateau de qualificatifs à bien des amoureux de foot. Mais désormais, il est redescendu et descendu par les suiveurs. On peut lire sous l'article pondu par So Foot, un internaute écrire: «Quelle déception ce genre de décalage entre le joueur et l'homme».
Alors, l'idole n'est plus intouchable. Elle tombe de son piédestal et sa carrière rompt sous les commentaires déçus. Pas de colère, mais de la déception. A raison, puisque ces athlètes qui reflètent l'excellence et la performance, plus qu'un artiste par exemple, ne sont pas en droit de fauter. L'argent, la gloire et les privilèges qui les accompagnent peuvent se retourner contre eux.
Faut-il donc affubler à l'idole le terme d'icône? C'est la conclusion de l'essayiste Jean-Guilhem Xerri: «Si la première (l'idole) sature le manque, fixe le regard et attache à elle-même, la seconde (l'icône) ne fige jamais dans le visible».
La définition du mot icône est plus convenable à accoler à l'ancien joueur et sélectionneur déchu. Le Larousse en parle comme d'un signe qui est dans un rapport de ressemblance avec la réalité extérieure.
L'extérieur, le monde noirci par les vilenies et les imperfections de la race humaine; une méditation de notre condition et de nos actes. Aux yeux du public, Giggs, comme bien d'autres, souffre de cette étiquette du sportif à la carrière exemplaire. Les à-côtés, tant qu'ils sont tus, importent peu au fan lambda. Mais attention au dérapage: une frasque et le jugement dernier sonnera. Le tribunal public (ou des réseaux sociaux) n'en rate pas une, surtout quand l'erreur est grossière. Sans aucun doute, un Roger Federer, au premier gros et hypothétique écart, n'échappera pas à la déferlante, et l'idole nationale se transformera en brebis galeuse.
Ces critiques et mises au ban font dire à une ribambelle de psychiatres que l'être humain projette un Moi fantasmé – ou incomplet – celui qu'on aimerait être. Les supporters, et leur besoin de vivre à travers leur idole, n'hésitent pas, après s'être agenouillés, à mettre à genoux leur raison de vibrer dans les stades.