Carole Howald, dites-nous, on est curieux: combien de temps passez-vous à l'étranger pendant la saison?
CAROLE HOWALD: Notre saison s'étend d'août à avril. Pendant cette phase, nous passons 120 jours ensemble à l'étranger et peut-être cinq ou six semaines en Suisse.
Et ça fait un total de combien de tournois?
14. La plupart d'entre eux, et surtout les plus importants en dehors des championnats d'Europe et du monde, ont lieu au Canada. Ça signifie que nous faisons cinq ou six allers-retours au Canada par hiver.
Comment choisissez-vous les compétitions auxquelles vous prenez part?
Le calendrier des tournois est publié en été. Dès qu'il est sorti, nous décidons ensemble des tournois que nous voulons jouer.
Pour les formations qui se situent autour de cette quinzième place, la planification de la saison est donc très exigeante, car elles doivent toujours avoir un plan B. En revanche, nous avons le privilège d'avoir un classement mondial qui nous permet de choisir les tournois avant la saison et planifier entièrement celle-ci.
Est-ce que planifier signifie aussi réserver les vols et les hôtels ou est-ce que quelqu'un fait ce travail pour vous?
Non, nous organisons tout nous-mêmes, sur et en dehors de la glace. Une fois que nous avons déterminé les tournois que nous voulons jouer, Silvana réserve tous les vols, les hôtels et les voitures de location. Pendant la saison, nous essayons de trouver un bon équilibre entre les séjours à l'hôtel, où nous prenons parfois des chambres individuelles et parfois des chambres doubles, et les séjours dans des Airbnb, où nous avons plus d'espace et sommes plus flexibles.
Quelles sont les tâches assumées par les autres membres de l'équipe?
Selina est responsable du matériel et du site web, je m'occupe des réseaux sociaux et Alina et moi sommes ensemble responsables de la gestion et du suivi de nos sponsors et fan-clubs.
En parlant de sponsors, quelle est leur importance pour le financement de votre équipe?
Ils sont extrêmement importants. Une saison nous coûte environ 160 000 francs. Cela comprend les voyages, les hôtels, les frais d'entraînement et le matériel. Un peu plus de 10% de ces dépenses sont prises en charge par la fédération. Pour le reste, nous devons trouver nous-mêmes des sponsors.
Votre équipe est actuellement numéro 1 mondiale, championne du monde et d'Europe en titre. Ça doit donc être facile pour vous de trouver suffisamment de sponsors.
Malheureusement, ce n'est pas le cas. Le sponsoring est un thème récurrent au sein de notre équipe. Nous sommes très contents de nos sponsors, avec lesquels nous entretenons parfois des partenariats de longue date.
Vous dites «couvrir les dépenses». Cela signifie que les 160 000 francs n'incluent pas les salaires?
C'est exact. Le salaire que nous pouvons nous verser provient exclusivement de nos gains en tournois.
Combien ça fait? Vous arrivez quand même à vivre uniquement grâce au curling et mettre un peu d'argent de côté?
Dans les cinq tournois du Grand Chelem, l'équipe gagnante reçoit 35 000 dollars. Dans les autres tournois, les prix sont nettement plus bas, peut-être autour de 10 000 francs pour les gagnantes. Bien sûr, nous divisons toujours la somme que nous gagnons par quatre, ou éventuellement par cinq si notre entraîneur est avec nous. Aux championnats du monde et d'Europe, Swiss Olympic nous verse en outre des primes. Pour le titre de champion du monde, nous avons reçu 16 000 francs et environ la moitié pour celui de champion d'Europe.
Quand on voyage autant que vous, est-ce que voyager est encore un plaisir?
Honnêtement, c'est parfois vraiment pénible. Les longs voyages peuvent déjà vider les batteries et quand quelque chose d'imprévu se produit, la patience est parfois très courte. Nous menons une vie particulière en tant que curleuses professionnelles. Nous voyageons dans de très nombreux endroits et pouvons vivre beaucoup de choses. Mais surtout, nous apprenons toujours à apprécier les privilèges que nous avons ici en Suisse.
Quand on vit aussi souvent avec les mêmes personnes, c'est là qu'il peut y avoir des disputes. Comment faites-vous pour les éviter?
Une communication ouverte et honnête est cruciale. Nous parlons régulièrement de ce qui nous tient personnellement à cœur. Ensuite, lors de la planification, nous essayons de tenir compte des souhaits de chacune dans la mesure du possible. C'est important que nous prévoyions toujours suffisamment de temps pour que chacune puisse en profiter et s'isoler parfois. C'est pourquoi nous réservons de temps en temps des chambres individuelles.
Une autre clé de votre succès, c'est votre travail acharné. Pour ceux qui ont le sentiment que le curling n'est pas un sport physiquement éprouvant, pouvez-vous leur donner un aperçu de votre entraînement quotidien?
Au cours d'une semaine d'entraînement normale, nous consacrons environ 30 heures au curling.
Environ cinq heures sont consacrées à l'entraînement mental et à l'organisation de l'équipe, et cinq autres aux déplacements pour venir nous entraîner. Le travail en dehors de la glace en été est également déterminant: c'est là que nous posons les bases d'une saison réussie.
Et dans quelles situations précises sentez-vous que le travail physique et mental porte ses fruits?
On s'en rend compte à chaque tournoi au fur et à mesure qu'il dure. Une compétition de curling normale s'étend sur quatre jours, avec au moins deux matchs quotidiennement, parfois trois. Une rencontre dure facilement deux heures à deux heures et demie. Dans les cas extrêmes, cela représente donc plus de sept heures de curling de haut niveau en une journée, ce qui exige une bonne condition physique et une bonne force mentale. C'est un point que beaucoup de gens sous-estiment.
Adaptation en français: Yoann Graber