Ludovic Magnin, vous vous définissez comme un rêveur. Ces derniers jours, à quelle fréquence avez-vous rêvé de l’hymne de la Ligue des champions?
LUDOVIC MAGNIN: (Il sourit) Entendre cet hymne est l’une des plus grandes émotions du football. Dans toute ma carrière, j’ai joué peu de matchs de Ligue des champions (11 en phase de groupes et 4 en qualification), ce qui montre combien il est difficile d’y accéder. Pour un club suisse, c’est encore plus compliqué que ce que j’ai connu en Allemagne. Alors oui, bien sûr, j’en rêve.
En mars, vous décriviez encore votre poste à Lausanne comme un rêve. Peu après, vous avez signé à Bâle. La perspective de la Ligue des champions a-t-elle pesé dans ce choix?
C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai accepté si vite de passer de Lausanne à Bâle. Pour un entraîneur, avoir l’opportunité de disputer la Ligue des champions est unique, et on ne sait jamais si une autre chance se présentera. Et puis cet hymne… D’ailleurs, on ne l’entend pas encore lors des barrages, si?
Si, il retentira mercredi et la semaine suivante, quand vous affronterez Copenhague pour une place en phase de groupes.
Magnifique! Mais ce n’est pas pareil que lorsqu’on l’entend en phase de groupes. J’ai disputé de nombreux matchs dont je n’ai plus vraiment de souvenir, peut-être aussi à cause de mes multiples blessures à la tête (il sourit).
Passer du Bernabéu à Madrid à la modeste Schützenwiese de Winterthour en trois jours: comment un joueur peut-il gérer un tel contraste, surtout lorsqu’il le vit pour la première fois?
Je me rappelle que, quand je jouais à Brême ou à Stuttgart, nous n’arrivions pas toujours à bien gérer ces enchaînements: un mercredi soir contre Barcelone et, trois jours plus tard, un match à Cottbus… dur! Mais cette expérience me sert aujourd’hui comme entraîneur, car elle m’aide à comprendre ce qui se passe dans la tête des joueurs.
Et justement, comment parvient-on à entrer dans la tête des joueurs?
La première étape, c’est de leur expliquer les choses. Mais ensuite, la vraie question, c'est: «Est-ce qu’ils m’ont compris, est-ce que je les ai touchés?» Je n’ai pas de méthode toute faite. Impossible de dire aujourd’hui quel type de discours j’aurai dans trois semaines avant le retour à Copenhague. Je dois sentir mon équipe. C’est ce qui fait la beauté du métier: on peut avoir un fil conducteur et des idées pour la saison, mais on jongle et on s’adapte sans cesse. Je n’ai pas de recette miracle, mais je sais déjà à quel point ce sera déterminant.
Et vous, à l’époque, comment parveniez-vous à gérer ce grand écart entre un match à Cottbus et une affiche contre Barcelone?
Je mentirais si je disais que j’étais toujours prêt. J’en avais l’impression, mais gérer le subconscient est très difficile. Si l’on veut revivre des aventures comme fouler à nouveau la pelouse du Camp Nou ou de San Siro, il faut se qualifier chaque année, ce qui suppose de gagner régulièrement en championnat.
C’est exactement cette différence d’état d’esprit qui distingue un joueur du Real ou du Bayern.
En somme, tout est une affaire de faim de victoire. Est-ce aussi le cas aujourd’hui à Bâle?
A Bâle, j’ai des joueurs qui m’aident beaucoup dans ce domaine. Mais c’est un processus qui doit aller vite, car sinon la pression monte rapidement. Contre Copenhague, à domicile, avec nos supporters et toute l’atmosphère du Parc Saint-Jacques, nous devons nous donner une bonne position de départ. Et ensuite, même dans des contextes moins porteurs, reproduire la même qualité de jeu. Perdre à Saint-Gall ou à Lugano n’est pas une honte en soi. Mais la manière de perdre doit toujours rester digne du FC Bâle, de façon à ce que nous n’ayons rien à nous reprocher.
Que peut-on dire du FC Copenhague?
Lors du tirage, c'était l’un des adversaires possibles au coefficient UEFA le plus élevé.
Bien sûr, j’aurais préféré jouer le retour à domicile. Mais quand on regarde les performances de Copenhague en Coupe d’Europe et dans les qualifications ces dernières années, on sait à quel point il sera difficile de s’assurer une bonne position dès l’aller.
L’effectif 2025/26 du FC Bâle ne compte encore que peu d’expérience en compétitions européennes.
Oui, mais nous avons quand même quelques joueurs qui l’apportent, à commencer par Xherdan Shaqiri et Marwin Hitz. Et au fond, ce n’est pas seulement une affaire de vestiaire: c’est tout le club qui doit avancer ensemble sur ce chemin.
Ressentez-vous la pression de devoir réussir ces barrages pour qualifier Bâle en Ligue des champions, même si l'Europa League reste une roue de secours?
Nous voulons tous la Ligue des champions, même si nous savons que ce sera très difficile. Tout devra s’emboîter parfaitement. Nos objectifs sont très ambitieux, mais pour moi, il a toujours été essentiel d’annoncer le but le plus haut. Qu’on l’atteigne ou non, il faut l’accepter. Mais si on ne rêve pas grand, on se donne moins d’élan pour s’entraîner et progresser.
Vous avez expliqué que le rêve de la Ligue des champions avait motivé votre venue à Bâle. Cette compétition, pour un entraîneur, c'est le plus grand rêve possible?
Je serais venu à Bâle même sans titre et sans la perspective de la Ligue des champions, car le FCB est unique en Suisse. Je le ressens chaque jour: quand je vais faire mes courses ou que je marche dans la rue, les gens me saluent, klaxonnent… A Lausanne ou à Altach, ce n’était pas le cas. Ici, on comprend à quel point le football compte, et que Bâle est une vraie ville de foot. Jusqu’ici, j’ai surtout évolué dans des villes de hockey. Bien sûr, vivre la Ligue des champions comme entraîneur serait magnifique. J’ai déjà connu de belles soirées d’Europa League avec le FC Zurich. Et puis, j’aime me mettre sous pression.
Y a-t-il des instants de vos matchs de Ligue des champions qui vous sont restés particulièrement en mémoire?
Evidemment, Barcelone. L’équipe était monstrueuse: Messi, Ronaldinho, Henry, Iniesta, Xavi, Deco… Là, tu comprends tout de suite qu’ils font un autre sport. Ils nous ont rappelé nos limites. Tu es champion d’Allemagne, tu te crois le meilleur du monde… et soudain tu ne touches plus un ballon.
Mon plan était simple: attendre que Messi repique sur son pied gauche, le laisser entrer et lui prendre le ballon. Le problème, c’est qu’au moment où je déclenchais ma tentative de prise de balle, il était déjà trois mètres devant moi. Ce fut une très longue soirée, mais une expérience inoubliable. Oui, la Ligue des champions m’a profondément marqué.
Vous avez beaucoup de maillots dans votre collection, après avoir échangé les vôtres avec les adversaires.
Il y en a vraiment beaucoup: Iniesta, Michael Owen, Jesus Navas… (il réfléchit) Marcel Desailly, Thierry Henry. Ils dorment quelque part dans des cartons de déménagement à la cave. J’ai aussi des maillots d’anciens coéquipiers comme Mario Gomez ou Marco Streller.
Revenons à l’actualité: l’effectif du FC Bâle a-t-il les profils nécessaires pour tenir la cadence dans trois compétitions jusqu’en février?
Nous avons un effectif suffisant pour jouer tous les trois jours, mais il y a encore un ou deux postes où nous aimerions nous renforcer. Nous en sommes conscients, la direction aussi: il y a de la transparence sur ce point. Nous verrons ce qui sera possible d’ici la fin du mercato. Je n’exclus pas de nouveaux mouvements, mais pour cela, il faut interroger le directeur sportif, Daniel Stucki.
En plus d'un défenseur expérimenté, comme le souhaite Xherdan Shaqiri, faut-il recruter aussi un joueur confirmé au poste de milieu défensif?
Question délicate! (sourire) Andrej Bacanin (réd: arrivé cet été) n’a plus disputé de compétition en Serbie depuis avril. C’est un joueur très talentueux, mais il a besoin de temps de jeu. A 18 ans, porter le milieu de terrain sur ses épaules représente une énorme pression. Mais nous aurons besoin de lui: il doit vite retrouver du rythme et progresser pour devenir, dès que possible, une option crédible.
A quels postes le FC Bâle doit-il encore se renforcer pour tenir le rythme d’un match tous les trois jours?
Avec la commission sportive, nous avons défini les postes où nous devons chercher des renforts. Quand on joue tous les trois jours, la moindre blessure peut coûter très cher. Nous ne sommes pas naïfs, nous en sommes conscients.
Et, à certains postes, le marché n’est pas facile. Donc laissez-vous surprendre… Moi aussi, j’attends de voir.
Adaptation en français: Yoann Graber