Une course en deux temps, entre une échappée qui a mis longtemps avant de se dessiner et les sept derniers kilomètres où l'allure s'est musclée. Thomas Pidcock a été le grand animateur du jour, véritable funambule dans la descente du Galibier, avant de mettre plusieurs briquettes dans les différentes portions descendantes et de s'imposer sur la mythique Alpe d'Huez. Il est le plus jeune vainqueur à l'Alpe d'Huez.
Parti avec l'échappée, le Britannique s'est détaché dans les premières pentes de la montée finale. Ses autres compagnons avaient fière allure: Giulio Ciccone, Louis Meintjes, Neilson Powless et Chris Froome, enfin à son avantage sur cette édition du Tour 2022.
Derrière, la Jumbo-Visma a décidé d'embrayer dans cette étape alpestre: pas d'attaque, de la gestion. L'inusable Wout Van Aert - toujours cocasse de voir un maillot vert imposer son tempo dans un col hors catégorie - a fait fondre le peloton et l'écart avec l'échappée en l'espace de six kilomètres, dans les derniers lacets de la Croix-de-Fer, le deuxième col de la journée. Avant de repartir à l'assaut de la montée finale de plusieurs kilomètres. Un travail simplement exceptionnel abattu par le Belge tout-terrain.
Dans la transition entre la fin de la descente de la Croix-de-Fer et le pied de la montée de l'Alpe d'Huez, l'allure s'est à nouveau calmée, laissant le champ libre pour l'échappée. Tadej Pogacar faisait signe à la caméra qu'il faisait chaud (31 degrés), mais le Slovène, au lendemain de sa terrible défaillance, avait le sourire jusqu'aux oreilles. A noter que son directeur sportif a dû quitter la course pour un test positif au Covid.
Le peloton avait sûrement besoin de souffler après une étape de folie dans le col du Granon. Mais devant, Pidcock s'est dépatouillé pour se détacher à dix kilomètres du sommet. Meintjes a été le dernier à résister à Pidcock; Froome a tenté, vaillamment, à l'expérience, de suivre la cadence, mais il s'est avoué vaincu.
A neuf kilomètres du sommet, l'un des premiers outsiders à perdre le contact avec le peloton des favoris est Aleskandr Vlasov - distancé en compagnie de Thibaut Pinot. Deux kilomètres plus tard, Primoz Roglic s'est dressé sur ses pédales pour faire sauter Lutsenko, Quintana et Gaudu, coup sur coup. Un immense relais qui a fait beaucoup de dégâts. Puisque juste après, Sepp Kuss a repris le flambeau pour éliminer Romain Bardet et Adam Yates. Enric Mas aussi était lâché, avant que l'Espagnol ne revienne dans le sillage des meilleurs au prix d'un bel effort.
En fendant la foule, Tadej Pogacar a posé une mine, à trois kilomètres, puis à la flamme rouge, mais pris immédiatement en chasse par Jonas Vingegaard. Geraint Thomas a fait l'accordéon, mais s'est fait la peau pour rester au contact (et pour sauver le podium?).
Plus loin, Pidcock, champion olympique de VTT faut-il le rappeler, lève les bras et s'offre la mythique Alpe d'Huez. Meintjes finit à 48 secondes, Froome termine à une belle troisième place.
Plus de trois minutes après, les favoris (Vingegaard, Pogacar, Thomas) coupent la ligne. Les perdants sont les Bardet, Yates, Gaudu, Quintana. Le leader de l'équipe DSM a perdu 20 secondes sur le maillot jaune, Yates 40 secondes, Gaudu 55 secondes et Quintana a essuyé 1 minute 21 de retard.
Romain Bardet expliquait qu'il fallait «savoir faire le dos rond et subir». Une journée compliquée pour lui, victime d'un coup de chaud dans l'Alpe. Désormais quatrième au général, rien n'est perdu pour l'Auvergnat. Il confessait aux médias français qu'il a dû «freiner un peu pour arriver à bon port». La route du Tour est encore longue et semée d'embûches.