Chris Horner, dit «l'ovni», le cycliste américain né à Okinawa au Japon, fait partie de cette caste de coureurs qui ont traversé le sport cycliste telle une comète. Des coups d'éclat et cette Vuelta remportée en 2013. A 41 ans, Horner réalisait une performance historique et ravivait les vieux démons du dopage.
Le coureur de la RadioShack Leopard a fait la nique aux Nibali, Valverde et autres Joaquim Rodriguez. Une gestion hors pair sur trois semaines, bien épaulé par de sacrés lieutenants (Fabian Cancellara, Haimar Zubeldia ou encore Yaroslav Popovych ont participé à cette victoire), Horner a écoeuré la concurrence.
Dans la foulée de l'exploit XXL, les premiers soupçons ont fait irruption et les détracteurs ont crié à la mascarade. Le pédigrée de l'Américain ne le donnait pas favori, tout juste prétendant pour arracher un top 10. En 2013, il réussissait un beau Tirreno-Adriatico, mais sa saison n'était de loin pas flamboyante - une vilaine cabriole sur le Tour de Catalogne lui avait gâché le début de saison.
Mais dès ses premiers coups de pédale à la Vuelta, le grimpeur américain profitait du marquage des favoris lors de la troisième étape pour aller chercher une victoire à 41 ans - il devenait par la même occasion le coureur le plus âgé à gagner sur l'un des trois grands Tours.
Puis le leader des RadioShack prenait un sérieux ascendant le jour de la dixième étape. Avec une arrivée en altitude, jugée au sommet de l'Alto de Hazallanas (16 km de col), Horner marchait sur l'eau en attaquant à 4,5 km de la ligne pour infliger 48 secondes à Nibali, second de l'étape.
Si les pentes lui convenaient, le contre-la-montre du lendemain le freinait dans sa quête du Graal: 1'30 de débours sur Vincenzo Nibali. Une performance très solide qui redistribuait les cartes et désignait l'Italien comme grand favori.
Mais Chris(t) Horner renaissait et battait Nibali à l'usure, en grappillant des secondes dans chacune des arrivées en côte. L'Américain n'a pas craqué, jamais, il a géré sa course en vieux roublard pour enfin assommer ses adversaires grâce à une masterclass lors de la 20e étape. Sur les routes du terrible Angliru, Horner répondait à une offensive de Nibali (le leader d'Astana comptait trois secondes de retard au général) à 6 kilomètres du sommet. Même si Nibali serrait les dents et repoussait le seuil de la souffrance, Horner le contrait un petit kilomètre plus loin. Les carottes étaient bel et bien cuites pour le «Requin de Messine».
Jamais Horner n'avait lutté pour la victoire sur un grand Tour. Certes, il était performant sur des courses à étapes d'une semaine (des victoires sur le Tour de Californie et sur le Tour du Pays basque) et il possédait les capacités pour se glisser dans le top 10 d'une épreuve de trois semaines (8e lors du Tour de France 2010). Mais la tendance ne montrait pas un vainqueur de grand Tour.
D'où sort cet ovni? Un premier élément de réponse tient à l'arrivée tardive du cycliste: sa véritable carrière européenne a démarré en 2005, lorsque Horner, 33 ans déjà, gonflait les rangs de l'équipe Saunier Duval. Dans cette formation sulfureuse qui a vu Ricardo Ricco, Léonardo Piepoli ou Juan Jose Cobo convaincus de dopage, la trajectoire atypique de l'Américain a commencé là. Son tempérament de dur au mal sur la selle a rapidement séduit.
Horner lui-même avait défendu sa singularité, expliquant que «son CV était déjà étonnant et l’a toujours été depuis qu'il était passé pro en 1996».
Si les suspicions de dopage n'ont cessé d'enfler, il convient de rappeler qu'Horner a profité des circonstances pour remporter la Vuelta: Nibali était fatigué après le Giro, Valverde avait fait le Tour de France, tout comme Rodriguez. De l'autre côté du ring, Chris Horner, lui, était frais comme un gardon pour attaquer une Vuelta montagneuse, ponctuée de onze arrivées en côte.
Néanmoins, son exploit restera sans lendemain; l'Américain n'a pas persévéré dans cette spirale victorieuse. Transféré à la Lampre-Merida l'année d'après, Horner n'a plus jamais régaté, restant loin de la forme qui lui a permis d'accomplir son exploit espagnol.
L'année 2014 rime avec néant, une (indigne) traversée du désert, presque fantomatique, avec comme maigre résultat un 17e rang au général du Tour de France, à plus de 44 minutes de... Vincenzo Nibali.
Une année et puis s'en va, pour retrouver une équipe américaine; un retour dans l'anonymat et des courses outre Atlantique, voire quelques escapades en Azerbaïdjan. Son sacre restera une énigme, une victoire quasi ovniesque.