Joël Mall est arrivé cet été à Servette (contrat de deux ans) en provenance du club chypriote de l'Olympiakos Nicosie. Le gardien, qui devrait être la doublure de Jérémy Frick – dans un premier temps, en tout cas –, a passé cinq ans à Chypre. Il a été naturalisé chypriote et a honoré sa première sélection en équipe nationale en juin.
L'Argovien a joué les deux matchs de qualifs pour l'Euro 2024 face à la Géorgie (1-2) et en Norvège (1-3). Il revient sur cette aventure hors du commun et son arrivée à Genève.
Vous venez d'être naturalisé chypriote et avez fait vos débuts avec l'équipe nationale. Comment avez-vous vécu cette période?
JOËL MALL: Ces semaines ont été turbulentes. Après avoir un peu disparu de la scène en Suisse en raison de mes engagements à Chypre, tout le monde s'est soudain à nouveau intéressé à moi. J'ai reçu beaucoup de messages et donné de nombreuses interviews.
C'est aussi une histoire particulière avec l'équipe nationale de Chypre. Comment a-t-elle commencé?
En hiver, la fédération m'a demandé si je pouvais envisager de jouer pour l'équipe nationale. En échange, ils me soutiendraient dans la procédure de naturalisation. Comme j'ai vécu cinq ans à Chypre, ça a été possible. J'y ai longuement réfléchi et ça n'a pas été facile pour moi.
Et cette identification, vous l'avez?
Oui, nous avons vécu en famille à Chypre pendant cinq ans. Mes enfants ont passé toute leur vie ici. Nous avons beaucoup d'amis ici et avons habité dans différentes villes. Nous nous sommes toujours sentis très bien, nous aimons beaucoup le climat et l'île. Après de nombreuses discussions, j'ai décidé de faire ce pas.
En été, tout s'est soudain accéléré.
Exactement. J'avais déjà quitté Chypre et planifié mes vacances, car on m'avait dit que ma naturalisation ne serait pas achevée avant les matchs internationaux de juin. Mais j'ai reçu un coup de téléphone m'annonçant que ça allait marcher et que j'avais trois jours pour rejoindre l'équipe nationale. Ce que j'ai donc fait, et j'ai immédiatement pu jouer mes premiers matchs.
Et pas contre n'importe qui! Face à la Norvège, vous avez affronté Erling Haaland, le meilleur attaquant du monde actuellement. Comment avez-vous vécu ce duel?
C'était une expérience très spéciale. Avant même le match, tout tournait autour de lui. Toutes les caméras, tous les yeux, tout était dirigé vers lui. Bien sûr, dès que l'arbitre donne le coup d'envoi, c'est simplement un match de football. Mais en tant que gardien de but, on se dit parfois que c'est LA superstar qui se précipite sur moi.
Comment avez-vous été accueilli dans l'équipe nationale? Après tout, vous êtes le Suisse qui vient de l'extérieur et qui chipe la place des gardiens locaux.
Même si, vue de l'extérieur, la décision peut sembler facile, elle ne l'était pas. Les médias suisses en ont parlé de manière très positive et bienveillante. A Chypre, c'était différent. La présence de secondos dans l'équipe nationale n'est pas aussi évidente que chez nous. La question posée par les médias locaux était donc la suivante: «Avons-nous besoin d'un étranger qui prenne la place de nos talents?» Ce n'était pas facile pour moi.
Avez-vous ressenti du rejet?
Non. Mes coéquipiers comprennent mes motivations. Je pense que n'importe qui dans ma situation et avec des ambitions sportives aurait réfléchi à cette décision. Et je suis arrivé sans aucune prétention. Mais lorsque l'entraîneur m'a tout de suite aligné, je n'ai évidemment pas dit non. Dans le football, on ne reçoit rien en cadeau, et quand une opportunité se présente, il faut la saisir. Il faut aussi penser à sa carrière.
Quel a été l'écho dans les médias après les deux matchs?
Nous avons certes perdu deux fois, mais mes performances étaient bonnes. Je dois aussi dire que j'ai commencé à me protéger et que je n'ai donc plus beaucoup lu ce qui s'écrit dans les médias. Je sais que ma décision n'a pas plu à tout le monde. J'ai essayé de m'expliquer, mais c'est clair que je ne peux pas plaire à tout le monde.
Qu'avez-vous essayé d'expliquer?
Que j'ai un lien avec Chypre. C'est difficile de savoir si ce lien est suffisamment important pour jouer pour l'équipe nationale. Pour moi aussi, c'est difficile de savoir si je mérite de jouer pour Chypre. J'ai décidé de saisir ma chance et je veux maintenant aider l'équipe. Si j'avais senti que ça pouvait conduire à un scandale, je ne l'aurais pas fait. Mais les réactions ont été en grande partie positives.
Et sur le plan sportif, l'aventure est aussi alléchante.
Nous allons encore jouer contre l'Espagne et l'Écosse. Ce sont des expériences sportives qu'on ne rencontre pas tous les jours. Je me réjouis énormément.
En club, vous êtes retourné en Suisse, à Servette. Comment ce transfert s'est-il réalisé?
Le contact avec Servette a été établi il y a deux ans déjà. Mais à l'époque, l'engagement n'avait pas eu lieu parce que certaines choses ne convenaient pas. Cet été, le timing était bon.
Après cinq ans passés au chaud à Chypre, craignez-vous déjà l'hiver en Suisse?
Je ne veux pas encore y penser (rires). La vie à Chypre était un peu comme dans une bulle. Bien sûr, nous avions notre quotidien. Ce n'était pas seulement des vacances pendant lesquelles nous étions assis tous les jours sur la plage et buvions des cocktails. Mais on avait la possibilité de vivre comme ça pendant le temps libre. Mais où qu'on aille, il nous manque toujours quelque chose. Nous attendons donc avec impatience les montagnes, l'automne et, oui, l'hiver aussi. Des choses typiques de Chypre vont nous manquer. Mais nous nous réjouissons de beaucoup d'autres choses ici.
Où allez-vous habiter?
Nous cherchons un appartement à Genève. Mais ce n'est pas facile.
Le défi pour elle sera la langue. Mon français est correct, mais elle, elle ne le parle pas du tout. Pour les enfants, nous avons trouvé une garderie germanophone. En plus de l'anglais et du grec qu'ils ont appris à Chypre, une autre nouvelle langue aurait sans doute été de trop.
Quels sont vos objectifs avec Servette?
Servette a réalisé une très bonne dernière saison et a maintenant une chance de disputer une compétition européenne. Il y a un nouvel entraîneur, René Weiler, que je connais bien et qui me connaît. Je suis conscient que ça ne sera pas facile pour moi de trouver du temps de jeu. Bien sûr, on veut toujours jouer. Mais je peux aussi apporter beaucoup au projet grâce à mon expérience. Je veux réussir avec cette équipe.
Adaptation en français: Yoann Graber