Alors que nous l'interrogions sur son potentiel successeur en équipe de Suisse, Alex Frei a fini par lâcher: «Je ne veux pas dire qu'il n'est pas assez du genre "sale gosse...".» Mais s'il l'était un peu plus, ce ne serait pas une mauvaise chose? «Exactement. Parce qu'il est tellement bon qu'il a le droit de l'être lui aussi!» Lui, c'est Zeki Amdouni, 22 ans, buteur de profession et révélation de l'équipe de Suisse en 2023.
La Nati dispute ce samedi son prochain match de qualification pour l'Euro au Kosovo.
Le capitaine Granit Xhaka et Xherdan Shaqiri seront au centre de l'attention, bien sûr. Mais beaucoup de regards vont aussi se poser sur Zeki Amdouni. Car l'attaquant a marqué lors de chacun des quatre matches internationaux cette année, réalisant même un doublé contre la Roumanie récemment. «Est-il le prochain Alex Frei?», s'interrogeait l'Aargauer Zeitung au vu de la régularité et la facilité avec laquelle Amdouni inscrivait ses réussites.
Alex Frei est le meilleur buteur de la Nati avec 42 buts en 84 matches, soit un but toutes les deux apparitions. En termes de constance, personne n'a jamais fait aussi bien. Ni Seferovic, ni Embolo. Amdouni peut-il y arriver? Il est certes encore trop tôt pour répondre à cette question. Mais il y a un an encore, personne n'aurait pensé à la poser. Car Amdouni a percé sur le tard. Ce n'est qu'au printemps 2023, peu après son 22e anniversaire, qu'il a soudainement commencé à marquer but sur but, à la fois pour le FC Bâle et pour la Nati.
Une petite consécration qui ne devrait pas transformer l'attaquant genevois, resté humble malgré les succès. «Je suis sûr que le succès ne lui montera jamais à la tête, parce qu'il est encore marqué par le souvenir d'avoir été écarté du Servette. Cela peut être un grand booster pour sa carrière», estime Alex Frei, que nous avons rencontré au Brügglifeld, où il entraîne désormais Aarau.
Burnley a payé 18 millions pour arracher l'international suisse au FCB cet été. Plus d'un joueur a déjà échoué avec une valeur marchande si importante et donc une telle étiquette autour du cou. «C'est maintenant la grande question: Amdouni parviendra-t-il à faire preuve de constance pour ne pas être un "One-Hit-Wonder" («succès sans lendemain»)?, demande Frei. Il y a suffisamment d'exemples d'attaquants qui ont marqué régulièrement pendant un an et qui ont ensuite disparu dans la nature.»
Frei a entraîné le FC Bâle. Il a constaté il y a un an qu'Amdouni avait besoin de temps pour s'habituer à un nouvel environnement. Le Genevois n'avait marqué que deux fois au premier tour. «Il a besoin de chaleur et de confiance de la part de tout le club. Tout simplement parce que son caractère est ainsi, parce qu'il est incroyablement gentil et consciencieux», dit Frei. Et puis vient cette phrase, selon laquelle le buteur devrait être un peu plus «sale gosse», un peu plus égoïste. Une qualité dans le monde du football, où il est important de penser à soi, surtout quand on est attaquant.
Nous avons aussi rencontré Amdouni cette semaine. Quand nous le voyons, une fois son entraînement à Riddes terminé, nous constatons aussitôt qu'il a l'air plus sûr de lui et ne ressemble plus au jeune homme timide que nous avons connu. Il est désormais habitué aux interviews et paraît aussi plus grand, mais c'est peut-être parce que les défenseurs anglais sont si élancés qu'ils faussent l'impression que nous avons d'Amdouni sur le terrain.
Le transfert du FC Bâle en Angleterre a changé beaucoup de choses dans sa vie, avoue le joueur. La langue, la culture, l'environnement, le football, tout est nouveau et différent. Mais l'attaquant y est habitué, il a déjà connu plusieurs clubs dans sa jeune carrière. «L'adaptation a été réussie. L'un des avantages est que certains coéquipiers, l'entraîneur (réd: Vincent Kompany) et le staff parlent français. Cela aide énormément.»
Amdouni doit désormais s'imposer dans son nouveau club, un peu comme Alex Frei dans le passé, qui a lui aussi dû emprunter des chemins détournés avant de faire sa place au Servette, puis surtout à Rennes. Quel a été le moment clé?
Ce moment clé, Amdouni ne l'a pas encore atteint. Est-il capable de répéter de bonnes performances dans la meilleure ligue du monde? C'est toute la question. «En Suisse, un joueur qui éveille certains fantasmes a vite le sentiment de valoir de l'argent et est donc traité un peu plus favorablement, dit Frei. A l'étranger, c'est fini. Là-bas, c'est tout simplement: marche ou crève.»
S'il poursuit sa progression, Amdouni pourra devenir un grand attaquant, peut-être même battre le record de buts inscrits par Alex Frei en sélection. Comment réagirait l'ancien international si ses 42 buts devaient être de l'histoire ancienne? «J'espère que chaque joueur a l'ambition de changer l'histoire et les statistiques», répond-il, impatient de voir la suite: «Nous verrons bien s'il y parvient!»