On peut facilement imaginer la réaction de beaucoup de fans du FC Sion et de suiveurs de la Super League quand ils ont appris l'identité du nouvel entraîneur sédunois lundi. «David qui?» Les plus calés sur le foot international, eux, ont tout de suite su de qui il s'agissait: Bettoni a été l'adjoint de Zinédine Zidane au Real Madrid pendant sept ans, remportant notamment trois Ligues des champions d'affilée.
Cet anonymat, malgré un CV si prestigieux, trahit la réalité du job d'entraîneur-assistant: un travail de l'ombre, loin des projecteurs médiatiques. C'est le premier gros contraste avec un entraîneur principal. Et de loin, pas le seul. «Ces deux rôles sont totalement différents», tranche d'emblée Michel Pont. Le Genevois a endossé les deux costumes, comme numéro un en LNA à Etoile Carouge et Lugano, puis comme second durant 14 ans avec la Nati (2001-2014). Du coup, la question se pose: un adjoint – aussi excellent soit-il – devient-il forcément un bon entraîneur principal?
«Non», balaie Christian Zermatten. Lui aussi a porté les deux casquettes, au FC Sion. Si le Valaisan est aussi affirmatif, c'est parce qu'il voit une qualité essentielle pour un coach principal, pas forcément requise chez un assistant: le charisme.
On est donc très loin des considérations technico-tactiques, que tous les membres des staffs pros maîtrisent en principe sur le bout des doigts, mais qui ne suffisent pas pour devenir le numéro un. C'est sûr, savoir motiver des collègues et se faire écouter n'est pas donné à tout le monde. Si vous avez besoin d'une preuve, jeter un œil aux listes d'inscriptions –souvent complètes – des cours de leadership.
Alors, autant le dire: un assistant qui se contente de poser les cônes et planter les piquets avant l'entraînement n'a pas beaucoup de chances de gravir un échelon dans la hiérarchie. Hans-Peter «Bidu» Zaugg ne faisait assurément pas partie de cette catégorie-là. Le Bernois, longtemps adjoint de la Nati avant de voler de ses propres ailes en LNA dans les années 2000 (GC, Lucerne et YB), était du genre proactif. «Comme assistant, j'ai toujours pris mes responsabilités en imaginant être le numéro un», rembobine-t-il.
Ça arrivera juste après le licenciement du sélectionneur Gilbert Gress en octobre 1999, quand «Bidu» a dirigé la Nati en intérim pendant deux matchs.
Pour Hanspeter-Zaugg, le poste d'adjoint a été formateur. Et son instruction ne s'est pas limitée au terrain. «J'assistais à toutes les conférences de presse», se souvient-il, «et pour chaque question, j'imaginais ce que j'aurais répondu à la place du sélectionneur.» Parce que oui, la maîtrise de la communication externe est aussi l'une des qualités requises pour le poste d'entraîneur principal.
Et puis, forcément, être l'entraîneur-chef expose beaucoup plus à la critique, qu'elle vienne de la presse, des supporters ou des dirigeants. Mieux vaut donc avoir les épaules solides pour gérer toute cette pression. En Valais, les compétences de David Bettoni en la matière risquent d'être rapidement testées.
Si on attend aujourd'hui d'un entraîneur principal qu'il soit un communicateur hors pair, il doit aussi démontrer des qualités d'organisation et de gestion humaine. C'est simple: dans le foot moderne, son rôle est semblable au directeur d'une petite entreprise. «Les staffs pros comprennent souvent dix à douze personnes», explique Pascal Oppliger, l'actuel coach du FC La Chaux-de-Fonds (1ère ligue) et ex-adjoint à Neuchâtel Xamax lors de la saison 2019/2020.
C'est presque paradoxal quand on sait l'importance pour un entraîneur-chef de prendre ses responsabilités et d'être un leader, mais il doit aussi être capable de déléguer beaucoup de tâches. Quitte à blesser son amour-propre. «Aujourd'hui, les adjoints dirigent de plus en plus les séances d'entraînement et s'occupent de leur planification. Parfois, ce sont même eux qui donnent les consignes aux joueurs pendant le match», observe Michel Pont.
«En fait, quand tout le travail est bien fait par les membres du staff, l'entraîneur principal n'entreprend que des petites retouches», appuie Pascal Oppliger. D'où la nécessité, aussi, de savoir choisir ses collaborateurs. Oui, un bon entraîneur est un bon responsable RH.
Le coach de «La Tchaux» estime d'ailleurs qu'il est indispensable d'avoir été assistant avant de revêtir le costume de numéro 1. «Pour un entraîneur-chef, avoir ce parcours lui permet de connaître les besoins d'un adjoint», analyse-t-il. Et notamment ses aspirations à l'autonomie. Une fois comblées, des relations de confiance se tissent et sont, au final, bénéfiques à toute l'équipe.
Cette intelligence relationnelle, l'entraîneur principal, est bien sûr aussi contraint de l'avoir dans ses interactions avec les joueurs. Et, à ce niveau, le passage d'adjoint à numéro un requiert quelques adaptations. Souvent, l'assistant est plus proche des footballeurs parce qu'ils les côtoient plus que le technicien-chef. Il est leur confident et leur «copain», pour reprendre le terme utilisé par Hans-Peter Zaugg. «Un coach principal n'est au contraire pas là pour plaire», prévient Pascal Oppliger. Il lui revient donc de trouver la distance adéquate.
Parfois, ce sont les joueurs eux-mêmes qui anticipent le changement de statut. «Quand j'ai repris l'équipe nationale en intérim, tous les joueurs m'appelaient encore par mon surnom, "Bidu", lors des deux ou trois premiers entraînements», se rappelle Hans-Peter Zaugg.
David Bettoni aura donc pas mal de travail à Tourbillon pour ajuster son costume à son nouveau statut. Même s'il a déjà très certainement acquis de nombreuses compétences à force de voir Zinédine Zidane et les meilleurs entraîneurs du monde à l'œuvre. Indépendamment de ses qualités, le Français devra aussi avoir un peu de chance. «Si le FC Sion gagne 1-0 à Berne contre YB samedi, il pourrait bénéficier d'une nouvelle dynamique complètement différente de la spirale négative actuelle», conclut Michel Pont.
Les Valaisans n'ont plus gagné à Berne depuis 27 ans.