Depuis trois semaines, tout le monde pense que la finale de la Coupe du monde n'a fait que des gagnants: l'Argentine, parce qu'elle s'est imposée et a offert le trophée à Lionel Messi; la France, parce qu'elle est revenue de nulle part pour arracher la séance des tirs au but; le football, enfin, parce que cette finale fut l'une des plus belles de l'histoire. Il est temps de rétablir la vérité. Il y a eu des perdants ce jour-là dont un, surtout: Didier Deschamps. Le coach des Bleus est même devenu ce 18 décembre 2022 l'un des plus grands perdants de l'histoire du sport.
«DD» est en effet depuis cette date le seul entraîneur à avoir perdu les trois finales les plus prestigieuses de son sport: celle de la Ligue des champions, de l'Euro et de la Coupe du monde.
Ça ne veut évidemment pas dire que c'est un mauvais entraîneur, car pour perdre une finale, il faut déjà réussir à l'atteindre, sans compter que le Bayonnais a aussi montré qu'il savait gagner de grands titres (le Mondial 2018, par exemple).
Et en prolongeant son contrat à la tête des Bleus, Deschamps va exploser le record de longévité pour un sélectionneur de l'équipe de France – gage de la très bonne qualité de son travail. Il l'avait déjà battu en novembre 2020: à ce moment, il en était à 8 ans et 3 mois et venait de dépasser Michel Hidalgo (mars 1976 à juin 1984). Avec un mandat jusqu'en 2026, «DD» – en poste depuis août 2012 – aura donc passé a 14 ans sur le banc tricolore. Soit 6 de plus qu'Hidalgo.
Michel Platini et Michel Hidalgo lors de la victoire des Bleus à l'Euro 1984, quelle image 😍 pic.twitter.com/1Hco9H3bLp
— Foot Multiple (@footmultiple) January 4, 2023
Une durée qui permettra au vice-champion du monde d'entrer dans le top 10 des sélectionneurs à la plus grande longévité dans l'Histoire du foot. Il rejoindra Sepp Herberger (Allemagne de l'Ouest, 1950-1964), Billy Bingham (Irlande du Nord, 1980-1994) et Helmut Schön (Allemagne de l'Ouest, 1964-1978), tous à égalité aux places 8 à 10 avec 14 ans de service. Mais «DD» restera encore loin du record absolu. Il est détenu par l'Argentin Guillermo Stábile, resté 21 ans (!) à la tête de l'Albiceleste (1939 à 1960).
Il n'empêche que ce «triptyque de la lose» offre à Deschamps une place dans l'histoire dont il se serait bien passé.
Son histoire à lui a débuté il y a près de 20 ans par une défaite 3-0 dans la Ruhr. Le décor était planté👇
C'est le premier grand revers du Français en tant qu'entraîneur. Le 26 mai 2004 à la Veltins-Arena de Gelsenkirchen, son AS Monaco s'incline lourdement contre le Porto de José Mourinho en finale (3-0).
Après avoir écarté le grand Real Madrid des Galactiques en quart de finale puis le Chelsea de Frank Lampard en demi, l'ASM, qui disputait sa première finale de C1, tombe ce soir-là sur un grand Deco. Cette fois déjà, comme au Qatar en 2022, l'équipe de Deschamps est partagée entre la tristesse du résultat et la fierté du parcours accompli.
Le dimanche 10 juillet 2016, la France accueille le Portugal dans «son» stade de France. Favoris avant le match, les Bleus le deviennent plus encore après la blessure de leur adversaire le plus dangereux (Cristiano Ronaldo) à la 25e minute de jeu. Ils pressent, touchent le poteau en fin de match mais n'arrivent toutefois pas à concrétiser leur domination et se font punir à la 109e sur une frappe d'Eder.
«Le sentiment qui prédomine c'est bien sûr la déception, dira plus tard «DD». Avoir cédé comme ça, à ce stade de la compétition, après le parcours que nous avons fait, ça fait mal. C'est cruel. Il faut accepter ce résultat, ça va prendre du temps à passer. Je suis très fier de mes joueurs. Il manque l'essentiel, la dernière marche. Mais ça n'enlève rien à tout le travail accompli depuis le 17 mai.»
Jusqu'au Mondial qatari, plusieurs autres grands entraîneurs de football avaient perdu deux finales majeures (Helmut Schön, Rinus Michels, Franz Beckenbauer, etc.). En laissant le trophée s'échapper dans une troisième compétition le 18 décembre 2022, Didier Deschamps entre donc seul dans l'Histoire.