C'est un mantra des livres de développement personnel: il faut sourire pour rayonner intérieurement. Beaucoup d'experts en communication vous conseilleront aussi de faire travailler vos muscles zygomatiques pour vous faire paraître avenant, ou au moins sympathique. Mais voilà, en fonction du contexte, sourire n'est pas toujours bien perçu. Lionel Tschudi l'a appris à ses dépends samedi soir.
L'arbitre neuchâtelois officiait lors du bouillant derby lémanique de Super League entre le Lausanne-Sport et Servette (1-1) à la Tuilière. S'il a très bien tenu son match, rendu difficile à diriger par les nombreux débordements des fans de chaque côté, le directeur de jeu doit malgré tout affronter la colère de certains supporters vaudois sur le réseau social «X». Ces derniers lui reprochent d'avoir souri au moment de donner un carton jaune à l'entraîneur du LS, Ludovic Magnin (38e minute). L'un d'eux s'interroge:
Ce supporter Lausannois a reposté le tweet d'un internaute alémanique du même avis, qui soupçonne – avec un langage cru – un plaisir sadique chez les directeurs de jeu: «Qu'est-ce qui se passe avec les arbitres? Éjaculent-ils lorsqu'ils donnent un carton jaune à un entraîneur? Tout simplement arrogant ce sourire». Pour un autre utilisateur de «X», qui répond à ce post, «la suffisance dont font preuve certains arbitres n’aide pas particulièrement à tenir le match».
A première vue, on serait d'accord avec eux. Monsieur Tschudi aurait eu un comportement déplacé en se moquant de Ludovic Magnin ou en montrant son plaisir à le sanctionner. Sauf que «Lionel Tschudi n'était pas en train de sourire parce qu'il donnait un carton jaune à Magnin. Il souriait à cause de la discussion dans l'oreillette qu'il avait au même moment avec ses assistants, sur un tout autre sujet».
L'information émane de Christophe Girard, ex-chef de la commission des arbitres de l'Association suisse de football (ASF) et présent à la Tuilière samedi soir. C'est un problème de timing qui est à la source de cette confusion. Celle-ci existe aussi car les spectateurs et téléspectateurs n'entendent pas les paroles de l'arbitre, contrairement aux joueurs et au staff des deux équipes.
«C'est maladroit», reconnaît Christophe Girard, «mais ce n'est absolument pas volontaire. D'ailleurs, si le sourire de Lionel Tschudi avait été destiné à Ludovic Magnin, le coach du LS aurait été le premier à réagir. Et à juste titre!»
La seule faute qu'on peut imputer au sifflet neuchâtelois, c'est donc un body language inapproprié au moment. Ses collègues et lui sont pourtant formés à l'ASF à maîtriser leur apparence et leur gestuelle pour éviter pareil quiproquo. «Dans les cours, on apprend aux arbitres qu'ils sont souvent filmés en gros plan lorsqu'ils prennent des décisions importantes», explique Christophe Girard. Mais l'ex-boss des sifflets suisses ne jette pas la pierre à Lionel Tschudi. Au contraire, il le défend:
Le Vaudois rappelle que le contexte électrique comme celui du match de samedi, avec des scènes délicates hors du terrain à maîtriser (report du coup d'envoi puis interruption du match à cause de fumigènes), rend encore plus difficile pour le directeur de jeu la prestation parfaite.