Jeffrey Saunders était furieux. Après l'humiliante élimination d'Yverdon-Sport en Coupe sur la pelouse du FC Rapperswil-Jona (0-1), pensionnaire de troisième division, le nouveau président américain a appelé l'entraîneur Marco Schällibaum pour exiger des explications. «Les nouveaux propriétaires sont très exigeants. Mais c'est leur droit le plus strict et c'est très bien comme ça», tranchait Schällibaum mercredi au téléphone. Le lundi suivant cette élimination, le technicien de 61 ans a réuni son équipe pour parler clairement, comme il le dit.
Marco Schällibaum, dont Yverdon-Sport est le huitième club de Super League après GC, Bâle, Servette, YB, Lucerne, Sion et Bellinzone (il a connu au total seize clubs dans sa carrière de coach) met ses joueurs – parmi lesquels 17 sont arrivés cet été – face à leurs responsabilités.
L'entraîneur nord vaudois était passablement énervé après cette défaite à Rapperswil. Mais son message auprès des joueurs a apparemment bien été reçu: ils ont battu chez eux le FC Bâle dimanche (3-2) et se retrouvent actuellement à la 6ème place de Super League (le meilleur club romand), soit dans le groupe qui luttera pour le titre.
Yverdon-Sport s'est offert ce printemps une promotion surprise qu'aucun expert n'avait prédit. Et cet été, les Nord vaudois se sont retroussé les manches pour pouvoir jouer dans l'élite: leur Stade Municipal a été divisé en secteurs, de nouveaux stands de restauration ont été construits et surtout un nouveau système d'éclairage a été installé. Tous ces travaux ont été imposés par la Swiss Football League.
Pendant leur durée, le néo-promu a disputé ses deux premiers matchs à domicile à la Maladière, l'enceinte de Neuchâtel Xamax, sans spectateurs. Dimanche, il a enfin pu recevoir dans son stade, 17 ans après le dernier match de Super League au Municipal. 4200 spectateurs – guichets fermés – ont assisté à la victoire face au FC Bâle. Un nombre beaucoup plus important que lors de la saison dernière, où seuls 1525 fans ont assisté, en moyenne, aux matchs d'YS, malgré les très bons résultats.
Le stade n'est pas le seul grand changement pour le club vaudois cet été. Quelques semaines après la promotion, l'ex-président d'Yverdon-Sport Mario Di Pietrantonio a vendu 90% de ses actions à l'investisseur américain Jamie Welch. Le directeur de l'entreprise énergétique Kinetik a d'ailleurs promis de quitter le Texas pour s'installer en Suisse. Il a été vu pour la première fois à Yverdon dimanche, où il était présent au match.
Le nouveau propriétaire laisse la lumière à son proche et nouveau président Jeffrey Saunders. Celui-ci voit les choses en grand: Yverdon-Sport doit faire partie à long terme des cinq meilleurs clubs de Suisse. Saunders veut, selon ses propres termes, être un «investisseur avisé» et créer quelque chose de similaire à ce qu'il a réussi à faire ces dernières années au Portugal, à Estoril. L'Américain y a également occupé le poste de président de 2018 à 2021 et a réussi à établir le club en première division portugaise.
Marco Schällibaum fait l'éloge de ses nouveaux chefs:
Le journaliste Manuel Gremion, qui suit de près le club pour le journal local La Région, est lui aussi enthousiaste: «La première impression des nouveaux investisseurs est bonne.» Mais il reste sur ses gardes, parce qu'il sait aussi que «tout dépend d'eux, car Yverdon ne vivra jamais de la vente de billets ou de celle de joueurs».
Le plan actuel ne fonctionne que tant que Welch et Saunders ont envie d'investir dans le club nord vaudois. Si cette envie disparaît, la chute est imminente. Reste à savoir combien les Américains investiront dans la cité thermale. Saunders a évoqué une fourchette large de cinq à dix millions pour le budget. Tout en précisant qu'il y avait une marge de manœuvre.
Actuellement, Yverdon-Sport profite surtout du bon réseau des nouveaux propriétaires, qui ont nommé un nouveau directeur sportif en la personne de Filippo Giovagnoli. Il en résulte les 17 arrivées lors du mercato estival. Parmi elles, Aimen Mahoius et Haithem Loucif, deux internationaux algériens.
Ou encore Dominic Corness (Liverpool M21), Christopher Lungoyi (Juventus Next Gen) et Christian Marques (Wolverhampton M21), autrement dit des joueurs qui ont évolué dans des grands clubs européens. Lors de la dernière pause internationale, Yverdon comptait six joueurs en voyage avec leur sélection respective, soit un de plus par exemple que le FC Bâle.
Pour rester sur son nuage, YS tentera de ramener un bon résultat de son déplacement à la Pontaise jeudi (20h30), où il affrontera le Stade Lausanne Ouchy – lui aussi néo-promu – dans un derby vaudois.
Adaptation en français: Yoann Graber