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Le Tour de France en a marre des étapes de plaine

Le ras-le-bol des organisateurs du Tour: «Ça ne pourra pas durer»
Tim Merlier a remporté une étape dépourvue de la moindre attaque.Image: getty

Le ras-le-bol des organisateurs du Tour: «Ça ne peut pas durer»

Ni attaque, ni duel haletant entre le peloton et l’échappée: cela fait plusieurs années que les étapes de plaine du Tour de France ne sont plus qu’un simple défilé. Les organisateurs en ont assez et l’assurent: il n’y aura plus d’étapes dites «de sprinteurs» à terme.
19.07.2025, 07:0320.07.2025, 08:53
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Le Français Thierry Gouvenou est un homme sollicité. La preuve: la presse se l’est arraché en première semaine du Tour de France.

D’abord parce que la Grande Boucle, qu’il a lui-même dessinée en tant que directeur de course, s'est arrêtée chez lui, à Vire Normandie. Ensuite, parce que le parcours de l’édition 2025, atypique, a suscité de nombreuses réactions.

Le Tour de France a sciemment évité la montagne durant les premières étapes, entièrement réservées aux sprinteurs, rouleurs et puncheurs. Il a fallu attendre le dixième jour de course, lundi dans le Massif central, pour que le peloton prenne enfin un peu de hauteur, puis la douzième étape, jeudi dans les Pyrénées, pour qu’il gravisse les premiers cols emblématiques.

Le deuxième week-end de compétition, entièrement plat avec des arrivées à Laval et Châteauroux pour sprinteurs, a également fait débat, les suiveurs s’interrogeant sur la programmation de ces étapes monotones, un samedi et un dimanche.

Cependant, au moment de dresser le bilan de cette première partie de Tour de France, Thierry Gouvenou n’a eu aucun mal à s’exprimer, le spectacle ayant été quasiment total du Nord au Berry.

Tour de France 2024 - Stage 13 PAU, FRANCE - JULY 12 : Gouvenou Thierry FRA race director of ASO during stage 13 of the 111th edition of the Tour de France 2024 cycling race, a stage of 171 kms with s ...
Thierry Gouvenou porte la lourde responsabilité de tracer le Tour de France.Image: www.imago-images.de

Les coureurs, en particulier ceux du général, se sont livrés une belle bataille dans les monts du Boulonnais, les côtes de l’agglomération rouennaise, en Suisse normande ainsi que dans ce haut lieu du cyclisme qu’est devenu Mûr-de-Bretagne.

Et lorsque le profil évoquait davantage un Championnat du monde des sprinteurs plutôt qu’une classique printanière, l’ennui a parfois été dissipé. Ce fut notamment le cas lors de la première étape, marquée par la conquête du maillot à pois, des faits de course et une bordure, qui a coûté 39 secondes à Evenepoel. Ou encore lors de la neuvième étape, remportée par Tim Merlier après un raid spectaculaire de Mathieu van der Poel et son équipier Jonas Rickaert. Les deux coureurs ont mis le peloton à rude épreuve et ont failli piéger les hommes rapides.

Si Thierry Gouvenou a reconnu, au micro de France Télévisions, qu’il y avait eu une part de chance dans ce scénario, allant presque jusqu’à remercier l’équipe Alpecin-Deceuninck pour sa tentative dès le kilomètre zéro, il s’est aussi attardé sur les étapes dites «décevantes», comme celle de Dunkerque où le prix de la combativité n’a pas été décerné, faute d’attaquants. Ou celle de Laval, où l'on se dirigeait vers une issue similaire, avant que Mathieu Burgaudeau et Mattéo Vercher ne décident de passer à l'offensive en deuxième partie de course.

LAVAL, FRANCE - JULY 12: (L-R) Matteo Vercher of France and Mathieu Burgaudeau of France and Team TotalEnergies celebrate at podium as most combative riders prize winners during the 112th Tour de Fran ...
Mattéo Vercher (à gauche) et Mathieu Burgaudeau ont tous deux reçu le prix de la combativité, une image rare sur le podium du Tour de France.Image: getty

Ces étapes où le peloton déambule à son rythme, sans être mis en difficulté, irritent le directeur de course du Tour de France. Il ne s’en est d'ailleurs pas caché auprès du diffuseur Eurosport. «On remarque depuis deux/trois ans que quasiment toutes les étapes censées se terminer par un sprint massif sont monotones. Cela a toujours été un peu le cas. Mais là, c'est exacerbé, et ça me pose un problème», a-t-il déclaré.

«C'est triste de voir un peloton défiler pendant 180 kilomètres»
Thierry Gouvenou

Le Normand pointe du doigt les équipes venues sur le Tour avec un homme rapide, responsables selon lui de cette nouvelle donne en course: «Ces étapes sont complètement cadenassées par les équipes de sprinteurs. Il y a une coalition qui fait que les coureurs n'ont plus envie d'attaquer, parce que c'est peine perdue (...) Il y a une sorte de mainmise qui fait qu’il n’y a plus d’action, et on le regrette».

Cette mainmise s'expliquerait, toujours selon Thierry Gouvenou, par le faible nombre d’équipes invitées, traditionnellement désireuses de se montrer et d’animer les étapes, via les fameuses échappées publicitaires. «Avant, cela n'arrivait pas, parce qu'il y avait des équipes invitées. Maintenant, quasiment toutes les équipes sont sélectionnées d'office», a-t-il souligné.

DUNKERQUE, FRANCE - JULY 07: A general view of the peloton passing through a landscape during the 112th Tour de France, Stage 3 a 178.3km stage from Valenciennes to Dunkerque / #UCIWT / on July 07, 20 ...
Un peloton groupé tout au long de la 3e étape entre Valenciennes et Dunkerque.Image: getty

La plupart des collectifs n'ont donc pas nécessairement besoin de se mettre en valeur de la sorte, d’autant qu’ils ont des objectifs ambitieux à d’autres moments de la course. De plus, il s’agit du Tour de France, et non du Giro ou de la Vuelta. Pas question donc de griller des cartouches inutilement ni de se rater. Or au moment du bilan final, la semaine prochaine à Paris, nombreuses seront les formations qui seront passées inaperçues sur ce Tour, sans rien avoir gagné.

Thierry Gouvenou assure également qu’avec cette mainmise, les formations de sprinteurs sont en train de se tirer une balle dans le pied.

«Les équipes de sprinteurs sont en train de couper la branche sur laquelle elles sont assises. On ne pourra pas continuer d'avoir un tel spectacle. (...) Il n'y aura plus d'étapes dites de sprinteurs à terme»
Thierry Gouvenou

L’architecte du parcours du Tour de France, qui travaille en étroite collaboration avec le grand patron de la Grande Boucle, Christian Prudhomme, estime déjà que l’on pourrait ne plus revoir de Tours de France comme celui de l’an passé, qui avait fait la part belle aux sprinteurs. A l'époque, Jasper Philipsen avait levé les bras à trois reprises, tout comme Biniam Girmay, tandis que Mark Cavendish et Dylan Groenewegen avaient également réglé des sprints massifs.

«L'an passé, il y avait huit ou neuf étapes pour sprinteurs. On va tomber cette année à cinq ou six, et peut-être que ce sera la norme dans le futur»
Thierry Gouvenou

La réduction s’est opérée en modifiant les arrivées de Rouen et Toulouse, où des sprints massifs étaient initialement prévus. Or la présence de côtes à proximité de l’arrivée a incité les organisateurs à revoir leurs plans. Rien ne garantit non plus qu’un sprint ait lieu à Paris, puisque le peloton gravira à plusieurs reprises Montmartre avant de filer vers les Champs-Elysées. Il flottera comme un air de Jeux olympiques sur la dernière étape.

Cette diminution n’a cependant en rien altéré la densité du plateau de sprinteurs. Jasper Philipsen, Tim Merlier, Biniam Girmay et Jonathan Milan ont tous pris le départ du Tour de France 2025, motivés par la perspective de s’emparer de la toute première tunique de leader. Une opportunité pareille ne se présente pas chaque année.

La situation pourrait toutefois changer à l’avenir, si les hommes rapides venaient à disposer de moins d’opportunités, que ce soit pour lever les bras ou endosser le maillot jaune. Mais un nombre réduit de sprinteurs ne signifie pas forcément un peloton plus permissif ou moins en contrôle.

Des coureurs au profil moins rapide pourraient y trouver leur compte et demander à leur équipe de rouler. Comme ce mercredi, si le vent dans la vallée du Rhône pousse certaines formations à créer des bordures, dans le but de distancer les meilleurs sprinteurs entre Bollène et Valence. Même sans échappée, cette 17e journée de course pourrait donc réserver des surprises.

Enfin, Thierry Gouvenou a avancé un autre argument qui, selon lui, pourrait entraîner la disparition progressive des étapes de plaine du Tour de France: le danger. Celui-ci devient plus élevé lorsque le peloton accélère en vue du sprint, après une étape longtemps menée à un train de sénateurs. Il s’est aussi accentué ces dernières années avec la prolifération des ronds-points et autres aménagements urbains. Un point de vue qui tranche définitivement avec les propos de Michael Woods, très critique envers ASO, la société organisatrice du Tour: «Ils adorent les accidents (...), le sang, les vélos cassés et le pauvre bougre qui se retrouve dans une ambulance. C’est ce qu’ils aiment vendre».

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source: keystone
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