Le documentaire concernant Yann Sommer nous avait laissé un petit goût amer. Il fallait répondre par la manière et le réalisateur Simon Helbling a réussi l'examen, même haut la main. Dans un format ramassé et très rythmé (30 minutes par épisode), il suit l’équipe de Suisse pendant près d’une année, jusqu'à la sortie – débâcle 1-6 – de la Nati face au Portugal.
Sur les six épisodes, The pressure game opte pour les émotions, les états d'âme, les rivalités dans une équipe qui regroupe des égos. De gros égos, même. Patrick Foletti, l'entraîneur des gardiens, explique un facteur fondamental dès le départ: «Les joueurs sont titulaires dans leur club et, en sélection, les rôles sont redistribués.»
Une guerre d'égos pour démarrer. C'est là où les premières flèches sont tirées pour comprendre la délicatesse de la hiérarchie des gardiens nationaux. Si Yann Sommer est indéboulonnable, pour les gardiens numéro 2 et 3 tout est à modeler. Place à Jonas Omlin et Gregor Kobel. Le premier nommé explique même ne partager sa joie qu'avec ses proches, «ceux qui se réjouissent vraiment pour moi».
Le désormais gardien du Borussia Mönchengladbach, Omlin, fait preuve d'une honnêteté désarmante, préférant par exemple passer du temps avec sa famille à Lucerne ou à Obwald que vivre dans une ville où il ne veut pas être. Mais Omlin veut fouler «les pelouses des grands stades, avec davantage de public qu'en Suisse». Surtout, il a cette phrase qui donne à réfléchir:
Face caméra, on le sent hésitant. Il avoue même qu'il n'a toujours pas trouvé un club (au moment du tournage, il évoluait sous les couleurs de Montpellier) avec qui aller plus loin. On décèle une pointe de mélancolie, un flou. Il continue:
La série s'efforce à éviter le documentaire sportif simpliste, peignant le reflet éculé de la performance pure et simple. Il est question du cheminement pour y arriver, d'une équipe dans l'équipe pour gérer la communication, les statistiques et tout le tintouin.
La gestion des émotions négatives, le relationnel entre les coachs et les joueurs, la pression qui découle d'un maillot national: tous ces facteurs, qui pèsent sur les résultats, montrent la complexité d'une sélection.
Une galerie de braves joueurs de football, de fortes têtes pour mouiller le maillot. Le cas Granit Xhaka revient sur la table, le capitaine de la Nati qui a traversé de grosses zones de turbulence entre son club d'Arsenal, ses frasques et les critiques qui ont rythmé sa splendide carrière. Le point d'orgue, comme vous vous en doutez, sera la rencontre face à la Serbie. Le milieu d'Arsenal explique: «Pendant 90 minutes, je me suis dit: "Tu restes positif!" Et un moment, ça dérape et je sors de mes gonds.»
Ce rapport conflictuel, ce lien amour-haine, Haris Seferovic en parle aussi. Les sifflets, les critiques, l'attaquant de la Nati avoue s'être isolé, n'avoir voulu parler à personne.
La solitude d'ailleurs, une sensation étrange que les footballeurs ressentent régulièrement. Ruben Vargas a éprouvé ce vide: «Tu vis seul, loin de ta famille, tes amis ne sont pas là.» Il s'en remet à la religion pour faire passer la pilule, pour mieux gérer ce vide.
Les joueurs défilent, les Silvan Widmer, Xherdan Shakiri, Remo Freuler, Breel Embolo, Manuel Akanji et cie passent devant l'objectif et confessent des failles, des défauts, de grands moments. Un condensé d'émotions parfaitement mis à l'écran par Simon Helbling, dans une mise en scène soignée portée par un montage survitaminé, qui reflète la dimension infernale du sport de haut niveau. The pressure game formule une belle missive pour mieux comprendre le travail de la bande de Murat Yakin, entre succès et défaites, rivalités et sincérité.