Sport
Football

Débat: Faut-il célébrer un but contre son ancien club?

L'ex-Grenat Anthony Sauthier (médaillon) n'a pas célébré son but avec Yverdon face au Servette FC dimanche en Super League. Cette attitude divise notre journaliste Yoann Graber (à gauche) et son père, ...
L'ex-Grenat Anthony Sauthier (médaillon) n'a pas célébré son but avec Yverdon face au Servette FC dimanche en Super League. Cette attitude divise notre journaliste Yoann Graber (à gauche) et son père, Jean-Jacques image: shutterstock/watson

Célébrer ou non quand on marque contre son ex-club? Vif débat père-fils

A l'image de l'Yverdonnois Anthony Sauthier face à Servette dimanche, beaucoup de footballeurs ne fêtent pas leur but contre une ancienne équipe. Ont-ils raison? Mon père et moi ne sommes pas du tout d'accord. Et vous?
12.02.2024, 12:0912.02.2024, 12:42
Plus de «Sport»

Le joueur d'Yverdon-Sport Anthony Sauthier n'a pas célébré son but (décisif) contre Servette (2-1), dimanche en Super League. L'ex-Grenat a vécu un moment cocasse: juste après avoir fait trembler les filets genevois d'une tête croisée, il s'est retrouvé nez à nez avec les fans servettiens remplissant le parcage visiteur.

Si l'on n'entend pas ce que le latéral dit, on devine par ses gestes qu'il s'excuse même d'avoir inscrit ce goal contre son ancienne équipe.

La non-célébration de Sauthier contre Servette 📺

Vidéo: extern / rest/blue Sport

A 1000 kilomètres de la cité du Nord vaudois, Declan Rice a connu pareille situation le même jour lors du match de Premier League West Ham - Arsenal. Malgré un superbe but, celui du 6-0, le milieu défensif des Gunners a ostensiblement montré aux supporters des Hammers, dont il portait le maillot jusqu'à l'été dernier, qu'il refusait de fêter sa réussite.

Rice a aussi fait profil bas 📺

Vidéo: twitter

En février 2023, Kingsley Coman n'avait, lui non plus, pas célébré son but contre le Paris Saint-Germain, en huitième de finale aller de la Ligue des champions (victoire 1-0). Le joueur du Bayern Munich – formé au PSG, où il a fait ses débuts professionnels – s'était justifié ainsi:

«Pour tout le respect que j'ai pour le club, je ne me voyais pas célébrer devant les supporters»
Kingsley Coman

Cette attitude de plus en plus courante chez les footballeurs fait débat. C'est le cas dans ma famille. Je pense pour ma part que Sauthier, Rice et Coman ont eu raison de ne pas célébrer leur but. Mon père, Jean-Jacques, est d'un tout autre avis.

La non-célébration de Coman contre le PSG 📺

Vidéo: twitter

Une définition différente du «respect»

De chaque côté de la table du salon, chacun est prêt à dégainer ses arguments qu'il a soigneusement notés sur une feuille. Je me lance: «Quand tu as joué dans un club, tu tisses des liens avec les employés et les fans. Donc quand tu célèbres ton but, tu te réjouis du malheur de pas mal de gens que tu as aimé ou aimes encore. Il faut se souvenir d'où l'on vient. Ne pas célébrer devient alors un signe d'empathie, de respect et d'affection pour toutes ces personnes.»

Mon père m'écoute poliment, sans broncher, à peine un petit sourire en coin. Il prend sa respiration. «Célébrer un but, c'est avant tout respecter ses propres fans», assène-t-il, avant d'enchaîner:

«Les supporters comprennent assez mal qu'un joueur ne fête pas un goal. Et en ne célébrant pas, il les prive d'un moment de communion et de bonheur. Parce que c'est ça aussi le football, la nécessité de communier avec les fans»

Là, je me dis que le «padre» commence fort. Qu'il va falloir être bon pour la suite. Lui, il a déjà pris confiance. Sans hésiter, il embraie: «Respecter l'adversaire, c'est le traiter comme n'importe quel autre.»

«Le respect, c'est jouer à fond contre lui, sans frein. Autrement dit: ne pas faire d'exception contre cet adversaire précis. Je ne vois donc aucun manque de respect en fêtant. Au contraire.»

Mon père ferait assurément un bon psy pour les fans brésiliens qui ont toujours en travers le 7-1 de la demi-finale contre l'Allemagne au Mondial 2014: ils peuvent être rassurés, la Mannschaft les a totalement respectés...

Père et fils Graber ont des avis opposés sur la question des célébrations de but d'un joueur contre son ancien club.
Père et fils Graber ont des avis opposés sur la question des célébrations de but d'un joueur contre son ancien club. image: watson

Une question d'émotions

Je ne compte pas lâcher le bras de fer. Du coup, je balance mon argument massue: «Ne pas célébrer, c'est un signe d'intelligence.» Voici pourquoi:

«Souvent, il y a beaucoup de tension sur et en dehors d'un terrain de football. Et un joueur qui célèbre son but contre son ancienne équipe, ça peut être pris comme une provocation par les adversaires et surtout les fans adverses, souvent très susceptibles»

Autrement dit, ne pas en rajouter permet d'éviter les débordements et c'est donc, selon moi, une bonne idée.

Faut-il célébrer un but contre son ancien club?

Mon père, lui, ne l'entend pas tout à fait de cette oreille. Pour lui, ce sont justement ces émotions, avec la passion, qui font l'essence du football. Il a peur qu'en ne célébrant plus un but, on touche à la raison même d'exister de ce sport:

«Contrairement aux points qui s'enchaînent au basket ou au volley, les buts au foot sont rares et difficiles à marquer. Un goal, c'est donc un aboutissement qu'il est normal de fêter, c'est un besoin humain de le faire. Si on ne célèbre plus, on perd ce qui fait l'essence du football. On ne transmet plus de passion. Bien sûr, la célébration doit rester mesurée et spontanée.»

Un modèle mais une incohérence

C'est le moment d'avancer mon dernier argument. Je persiste et signe sur la fonction pacificatrice d'une non-célébration, et cette fois même au-delà du stade. Je pense que les buteurs qui ne célèbrent pas sont de bons exemples pour les jeunes footballeurs ou les amateurs, chez qui il y a malheureusement beaucoup de violence (physique ou verbale). Je m'explique:

«En ne célébrant pas un but lors d'un grand match, où le buteur a inévitablement une grosse montée d'adrénaline après son goal, ce joueur montre qu'on peut être maître de ses émotions et garder son sang-froid même dans un moment chargé d'émotions»

Jean-Jacques part dans une autre direction. Son regard en dit long: il veut taper fort pour finir. Alors il a fait ses petites recherches et avance le constat suivant:

«En regardant la vidéo de son but en finale de la Ligue des champions 2020 contre le PSG (gagnée par le Bayern 1-0), on peut voir que Coman célèbre normalement son but. Le risque, quand on explique qu'on ne célèbre pas pour respecter les fans adverses, c'est de passer pour hypocrite, ou en tout cas, incohérent si on ne tient pas sa ligne.»

Et pour mon père, le risque est grand: «Avec les émotions fortes d'un match de football, c'est parfois difficile de garder tout son sang-froid. Le joueur n'est jamais vraiment certain de pouvoir contenir sa joie.»

On conclut le débat père-fils sur cet argument. On campe sur nos positions, mais en tombant d'accord sur un point: les joueurs n'ont pas à s'excuser ou à montrer leur gêne d'avoir marqué contre leur ancien club, en levant par exemple les mains – comme certains footballeurs l'ont fait – ou en l'exprimant en conférence de presse.

Cet article est adapté d'une première version publiée le 23 février 2023 sur notre site.

Ces inventions «révolutionnaires» déjà vintage
1 / 9
Ces inventions «révolutionnaires» déjà vintage
source: shutterstock
partager sur Facebookpartager sur X
Barbie fait du surf (pour de vrai)
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
1 Commentaire
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
1
Un ex-arbitre légendaire veut révolutionner les penalties
L'ancien sifflet Pierluigi Collina, désormais cadre à la Fifa, propose de changer la règle dans cet exercice pour donner plus de chances aux gardiens.

Jusqu'à ce qu'il range son sifflet en 2005, Pierluigi Collina était considéré comme le meilleur arbitre du monde. Son charisme sur la pelouse, accentué par un physique atypique (un crâne chauve et des yeux bleus perçants), ne laissait personne indifférent. Une preuve? Jusqu'à aujourd'hui, il est le seul homme en noir à avoir figuré sur la jaquette d'un jeu vidéo (Pro Evolution Soccer 3, sorti en 2003).

L’article