Il riait, il sautillait, il sifflotait. Et nous nous sommes demandé ce jour-là: confond-il ses débuts d'entraîneur en Super League avec un anniversaire pour enfants où il serait «Zozo le clown»? La manière dont Mattia Croci-Torti s'est présenté au grand public en septembre 2021 est devenue une habitude. Mieux: un rituel. L'entraîneur de Lugano, troisième du championnat (à un point de Servette) et finaliste de la Coupe, affiche une gaieté provocante avant le coup d'envoi.
D'où lui vient cette décontraction? Est-ce lié au fait qu'il est à l'abri du besoin, que sa compagne est issue d'une riche famille d'entrepreneurs tessinois?
«La vérité, c'est que je kiffe ces moments avant les matchs, ricane Mattia Croci-Torti. C'est un bonheur, un truc de ouf.» Et d'expliquer: «J'ai la chance d'exercer un métier fantastique. Il me procure tellement d'énergie et d'adrénaline que je suis naturellement heureux. Avant les matchs, les téléspectateurs ne verront pas un Croci-Torti nerveux et tendu, le visage déformé. Mon attitude joyeuse peut agacer, mais elle est naturelle. Oui, je kiffe.»
Comment fait-il pour rester toujours aussi relax? Yoga? Vodka? «Quand j'étais assistant, j'ai côtoyé beaucoup d'entraîneurs qui arrivaient au repas d'avant-match avec l'estomac noué. Je me demandais: est-ce que je serai comme eux quand je serai à leur place? Mais non! Pour mes débuts en tant qu'entraîneur principal, je n'ai pas ressenti de nervosité. Juste une grosse envie.»
Mattia Croci-Torti se voit comme un joueur d'échecs: «Le football a beaucoup changé. La possibilité de remplacer cinq joueurs au lieu de trois offre une grande marge de manœuvre tactique. Mais cela signifie aussi que l'entraîneur adverse peut te poser des problèmes à tout moment. Il faut être en permanence sur le qui-vive et pouvoir réagir immédiatement à chaque changement de l'adversaire.»
Comme Jürgen Klopp ou Elie Baup, Mattia Croci-Torti porte toujours une casquette pendant les matchs. De nombreux fantasmes ont circulé sur cette habitude: fétichisme, posture, timidité. «La vérité est simple: je me sens plus beau avec ma casquette.»
L'homme n'est ni chauve ni superstitieux. Il dit seulement que «ça a toujours été comme ça. La casquette me fait me sentir bien. Pas plus fort ni plus chanceux. Simplement plus beau.»
Mattia Croci-Torti a la réputation de ne pas accorder de traitement de faveur et de ne jamais craindre les conflits. «Parfois, certains joueurs pensent que je suis un connard! Je le sais. C'est le métier qui veut ça. Il faut savoir gérer. Contrairement au hockey, l'entraîneur de football doit annoncer à plus de la moitié de l'effectif qu'il ne jouera pas. Je sais qu'ils sont plusieurs à me détester chaque week-end. L'important, en tant qu'entraîneur, est d'être correct, d'argumenter clairement et avec honnêteté, de ne pas chercher d'excuses.»
Faut-il être courageux pour exercer ce métier? «Il ne faut pas avoir peur des conflits. Les joueurs qui n'entrent pas en jeu pensent: "A cause de l'entraîneur, je ne toucherai pas de prime". Ou bien: "C'est à cause de l'entraîneur que le recruteur de Bundesliga ne m'a pas repéré." Ou encore: "C'est à cause de Croci-Torti que le sélectionneur national ne me convoque pas." Une mise à l'écart est difficile à accepter pour n'importe quel joueur. Et elle déclenche naturellement beaucoup de rancœur envers le coach. Mais ce n'est pas une question de courage. Si tu veux faire un travail dans lequel tu ne fâcheras personne, tu ne dois jamais devenir entraîneur de football.»
Lorsqu'il était footballeur en Challenge league, Mattia Croci-Torti travaillait parallèlement comme vendeur de parquets. «Aussi bien mon entraîneur que mon chef exigeaient des résultats de ma part.»
L'autodidacte pense que «tout métier implique une part de stress. Je ne veux pas me plaindre. Comme entraîneur, je peux dormir jusqu'à 7 h 30. Quand je distribuais le courrier, je devais me lever à 5 heures. La grande différence, c'est qu'en tant que vendeur ou facteur, tu finis ta journée à un moment ou un autre. Pas en tant qu'entraîneur. Mes pensées sont toujours tournées vers le football.»
Mattia Croci-Torti partage sa vie avec Susanna Valsangiacomo, dont le père possède la société Chicco d'Oro. En clair, l'entraîneur du FC Lugano ne manque de rien. «Avec Susanna, nous sommes ensemble depuis 15 ans. Il a toujours été clair que chacun ferait son truc de son côté et resterait indépendant. J'aime beaucoup sa famille. Et j'ai beaucoup appris de son père sur la manière d'aller de l'avant en tant que chef. Mais il ne m'est jamais venu à l'idée de me faire entretenir. Ce n'est pas mon caractère. Je n'ai jamais été opportuniste.»
Il a commencé sa carrière professionnelle à GC à 18 ans avant de se déchirer les ligaments croisés dès son premier match avec les M21. Ce coup du sort ne l'a jamais dégoûté du football.
«Je n'ai jamais joué pour l'argent. Je suis accro à ce sport, à la camaraderie, aux innombrables expériences que l'on peut y vivre. Et je suis un compétiteur. Pour me sentir bien, je dois toujours avoir l'impression d'avoir donné le 100% dans quelque chose. Le football est un bon endroit pour cela.»