L'équipe Tudor ne passe pas par quatre chemins pour annoncer l'éviction de son leader pour le premier Grand tour de la saison:
Pas de Corsa Rosa pour lui et des mots qui posent un constat: le début de saison de Marc Hirschi est faible sur les grandes échéances.
Pourtant, tout avait bien débuté: les premières courses du Bernois, très en jambes au mois de février, ont été très bonnes, avec une première victoire (la Clasica Comunitat Valenciana) lors de sa rentrée sous les couleurs de la marque horlogère. Un mariage entre l'un des plus gros transferts de cette saison et une équipe aux dents qui raient le parquet qui sentait bon les succès à la pelle. Sauf que les tapes dans le dos et les accolades ont fait place aux doutes.
Après sa bonne entame, le cycliste a coupé un mois, entre le 1er février et le 1er mars. A son retour, Marc Hirschi s'est mué de puncheur aérien à coureur fantôme. Pour preuve, ses maigres résultats comme un 24e rang sur les Strade Bianche et un 23e rang lors de Tirreno-Adriatico.
Si entretemps il s'est montré à son avantage lors du Grand-Prix Miguel Indurain (6e), c'est son séjour dans le Pays basque qui a interrogé. Le joyau de 26 ans ne se cachait pas derrière de multiples excuses, comme il l'expliquait à l'agence Keystone-ATS:
Le cyclisme est intransigeant, il ne permet pas le mensonge. Résultat, sa campagne ardennaise était fantomatique: 40e de l'Amstel Gold Race, 49e de la Flèche Wallonne et 45e de Liège-Bastogne-Liège. Pour seule lueur, on notera un 8e rang au Grand-Prix de Francfort.
Hirschi pestait contre un manque de force lors des trois grandes classiques vallonées. Malgré un retour auprès de son ancien entraîneur Sebastian Deckert, il n'a pas trouvé la bonne formule pour faire parler sa giclette qui lui a permis de briller la saison dernière.
Et Tudor l'a compris. La formation helvétique compte sur un coureur comme Michael Storer, irrésistible lors du Tour des Alpes, pour jouer le haut de tableau. Hirschi, qui avait «hâte de se lancer à la chasse aux victoires d'étapes», comme il le confiait plusieurs semaines auparavant, regardera donc la course à la télé.
Mais à y bien regarder, avant de crier au flop ou au mariage raté, il faut suivre la carrière de l'ancien pensionnaire de l'équipe UAE-Team Emirates. Simplement parce que chaque début de saison n'est pas vraiment la tasse de thé (ou d'Ovomaltine) d'Hirschi.
Si l'an dernier son deuxième rang lors de l'Amstel Gold Race relève presque de l'anomalie, c'est souvent en milieu de saison que le cycliste de 26 ans commence à frotter dans le haut de classement. En 2024, c'est au Tour de Tchéquie (le 25 juillet) que son festival de victoires a démarré - 8 victoires en deuxième partie de saison sur un total de 9 sur la saison 2024.
La période des classiques ardennaises ne convient pas vraiment au Bernois, même s'il a plutôt bien marché lors de ses multiples Liège-Bastogne-Liège, avec plusieurs places d'honneur: 6e (en 2021), 9e (en 2022), 10e (en 2023), 17e (en 2024). Mais il est souvent resté discret sur les autres épreuves, excepté cette année 2020, celle de tous les superlatifs. Le calendrier avait été chamboulé par la pandémie de Covid-19 et les courses ont eu lieu au mois de septembre et octobre, des mois qui conviennent au puncheur.
Hirschi lui-même le sait:
Mais Hirschi s'y connaît, lui qui a réussi à rebondir malgré une brochette de blessures et une opération de la hanche qui lui a demandé du temps pour retrouver son meilleur niveau.
Le bonhomme a du caractère et une faculté à retrouver son coup de pédale. Sa faculté à rebondir au premier plan a même animé les débats entre suiveurs. Les mauvaises langues disent qu'il brille seulement quand il doit signer un nouveau contrat.
En fin de compte, la décision de Tudor est peut-être la bonne: celle d'arrêter les frais. Inutile de voir leur leader s'époumoner sur 3 semaines sans peser sur la course. Et le Giro peut vite devenir un supplice avec son dénivelé positif affolant.
Il faut débrancher et renouveler le logiciel.
Comme le cycliste d'Ittigen l'assurait dans un récent article du magazine The Red Bulletin: ce qu’il aime dans son sport, c’est que la réussite ne tombe jamais du ciel.
Hirschi rend hommage sans le savoir à la plume d'Albert Londres: c'est un forçat de la route, un dur aux grosses cuisses. Parions que Fabian Cancellara va lui offrir une place sur les routes du Tour de France au mois de juillet. Surtout que le Bernois annonçait en début de saison que ses trois objectifs étaient les Ardennaises, les Championnats du monde en automne et...le Tour de France. Parfois, les mariages battent de l'aile avant de reprendre de plus belle.