Les utilisateurs de réseaux sociaux sont friands de ce genre de publication, et vous en faites certainement partie. Il s'agit de poster une photo actuelle de vous à côté d'un cliché pris il y a 10 ans, histoire de constater votre évolution physique durant la décennie écoulée.
Souvent, les changements – qu'ils soient avantageux ou, au contraire, défavorables – sont impressionnants. Dans les cas du Servette FC et des Glasgow Rangers, la métamorphose est tout simplement fascinante. On passe de Jacquouille la Fripouille à Ryan Gosling. Ou de la sorcière de Blanche-Neige à Margot Robbie, si vous préférez.
Parce que oui, il y a dix ans, le club genevois et son adversaire écossais au 3e tour des qualifs de la Ligue des champions ne voyaient pas la vie en rose, au contraire des deux acteurs principaux de Barbie. C'est même un euphémisme: ils faisaient peine à voir.
Le premier végétait au milieu du classement de Challenge League pendant que le second évoluait en troisième division écossaise. Alors à moins d'être le plus audacieux des parieurs ou le plus rêveur des fans, impossible d'imaginer en 2013 que ces deux clubs s'affronteraient quelques années plus tard dans la reine des compétitions européennes. Pourtant, ce duel sous forme de double confrontation aura lieu dès mercredi (20h45) avec le match aller à Glasgow. Pour les Suisses comme pour les Ecossais, il est une nouvelle occasion d'exorciser les mêmes démons.
En plus de leur rêve de Ligue des champions, Servette et les Glasgow Rangers partagent une histoire avec de fortes similarités. Tous deux sont des institutions dans leur pays respectif: les Grenat sont la troisième équipe la plus titrée de Suisse (17 sacres nationaux et 7 coupes) derrière GC et Bâle, tandis que les Gers ont le plus beau palmarès d'Ecosse (55 fois champions et 34 coupes). Mais tous deux ont touché le fond malgré leur prestigieux CV, avec la faillite comme terminus du voyage en enfer. Si Servette a pu repartir en troisième division après la liquidation judiciaire du club en 2005, rien n'a par contre été épargné aux Rangers. Flashback.
Juin 2012. Endettés à hauteur de 166 millions d'euros après plusieurs années d'une gestion pas très catholique, le club protestant de Glasgow – qui vient de terminer 2e du championnat – disparaît et est contraint, sous une nouvelle entité, de recommencer à zéro. Autrement dit: depuis la quatrième division écossaise, l'échelon national le plus bas. Le tout avec les interdictions de faire des transferts et de disputer des matchs amicaux de pré-saison.
Un certain Donald Trump, qui deviendra président des Etats-Unis moins de cinq ans plus tard, s'intéresse alors au rachat des Rangers. Mais l'Américain, dont la mère est Ecossaise, abandonne. «On a regardé ça en détails, puis on a renoncé. Financièrement, cela n’a aucun sens pour nous», se justifiait une source proche de Trump. Les Rangers sont finalement repris par un consortium mené par l'homme d'affaires anglais Charles Green. Lors du premier match dans leur antre, Ibrox Stadium, ils sont soutenus par... 49 118 spectateurs (le stade peut en accueillir 50 000). Record mondial pour un match de quatrième division.
Poussés par une hallucinante ferveur (45 000 spectateurs de moyenne sur la saison), des jeunes pépites du centre de formation et deux joueurs clés – Lee Wallace et Lee McCulloch –restés fidèles malgré la culbute, les Gers décrochent la promotion en 3ème division en terminant premiers. Libérés de leur interdiction de transferts et bénéficiant d'un budget nettement plus élevé que leurs concurrents, ils se renforcent pour la saison 2013/2014, au terme de laquelle ils enchaînent une deuxième montée.
Les pensionnaires d'Ibrox Stadium ne réussissent toutefois pas l'exploit d'une troisième promotion consécutive: ils restent bloqués deux ans en deuxième division. C'est durant cette période, en février 2015, qu'ils retrouvent pour la première fois leur éternel rival, le Celtic Glasgow. Celui-ci ne se contente pas d'aligner les titres de champion en l'absence des Rangers en première division: il brise les rêves de trophée des Gers en les dominant 2-0 dans cette demi-finale de Coupe de la Ligue.
Les Light Blues devront encore patienter presque quatre ans avant de battre le Celtic. Alors qu'ils ont retrouvé l'élite en 2016, ils remportent 1-0 le célèbre derby, le Old Firm, en décembre 2018. Sur leur banc? Un certain Steven Gerrard.
L'ex-star de Liverpool a posé ses valises à Glasgow en été 2018. Malgré le statut de l'ancien milieu, c'est un pari risqué pour les Rangers: il n'a jusque-là entraîné que des juniors. Mais le coup de poker s'avère gagnant. A peine arrivé, l'Anglais qualifie son équipe pour l'Europa League, une première depuis la faillite. En plus d'amener son expérience, il accentue la professionnalisation du club: nouvelle salle de fitness, nouvelles règles de vie, changement d'alimentation ou cryothérapie sont tous des apports à mettre à son crédit.
La victoire dans le Old Firm n'est qu'une étape pour ce club qui retrouve peu à peu le sommet. Gerrard y guide ses protégés en 2021 avec le sacre en championnat, dix ans après le dernier. Ce titre met fin à neuf ans de domination totale du Celtic et rend leur fierté à tous les nombreux fans des Gers.
Un an plus tard, sous les ordres cette fois du Néerlandais Giovanni Van Bronckhorst, les Rangers réalisent l'exploit d'atteindre la finale d'Europa League, qu'ils perdent seulement aux tirs au but face à Francfort. S'en suit une campagne en Ligue des champions complètement ratée lors de l'exercice 2022/2023: 6 défaites en 6 matchs.
Alors on l'imagine volontiers: à Glasgow, une qualification pour la plus prestigieuse compétition continentale accompagnée de victoires en poules permettrait d'effacer définitivement les démons du passé. A Genève, il en irait de même avec un ticket pour cette si convoitée phase finale. Après avoir vu ses sièges, initialement grenat, se délaver (heureusement changés entre-temps), la Praille ressemblera-t-elle à nouveau à un Barbie Land où tout est rose, cette fois grâce au football?