C’est un joueur qui en impose et qui saute immédiatement aux yeux, parfois à la gorge. Cuissots d'acier, poitrail de centurion, Niklas Süle est un défenseur central à l'ancienne, plus en chair qu'en os, le quintal vigoureux et dissuasif. Du haut de son mètre 94, il était censé devenir le nouveau garde-chiourme du football allemand.
D'une certaine façon (certes pas toujours académique), il l'est devenu: 40 sélections avec la Manschaft, 313 matchs de Bundesliga avec Hoffenheim, le Bayern Munich et le Borussia Dortmund. Or à 27 ans, le sélectionneur allemand le considère déjà comme perdu pour le football. Hansi Flick ne compte plus sur lui. «Niki pourrait être l'un des meilleurs défenseurs centraux au monde. Son potentiel est énorme. Mais j'ai l'impression qu'il y a beaucoup de renoncements chez lui.»
Flick n'est pas le premier à insinuer que Süle gâche son talent dans l'esbroufe et la mayonnaise. Mais il est le premier à l'écarter de l'équipe nationale pour ces raisons précises.
🎙️ Rafael van der Vaart: "Germany have a problem in defence. Niklas Süle is not world class. He is the German Harry Maguire." pic.twitter.com/aN2RsPCl2f
— The Football Crew (@ftblcrew_memes) December 2, 2022
Le défenseur du Borussia Dortmund a réagi dimanche dans une longue interview à la Ruhr Nachrichten, adressée à toute l'Allemagne: «J'étais très content de ma saison. Sur la base de mes performances, je pense que je méritais d'être appelé en équipe nationale. Et puis lire ce reproche sur ma condition physique, ça a été un vrai coup dur. Je suis un bon professionnel. Je travaille d'arrache-pied».
Cette interview a divisé l'Allemagne en deux catégories: ceux qui ont un CV chargé et ceux qui ont un petit creux (la réf). Parmi les tontons flingueurs du football allemand, Felix Magath - qui ne boit que du thé vert - a porté un coup fatal à la réputation de Süle.
Mais d'autres voix ont aussi critiqué la tyrannie de la minceur qui, dans le monde du sport comme de l'économie, impose un modèle standardisé de corpulence jeune et dynamique. En cyclisme, on disait de Chris Froome qu'il était si mince qu'on pouvait le faxer. En football, un entraîneur suffisamment «moderne» définit la ligne de son équipe tout en surveillant rigoureusement la sienne. Pep Guardiola, notamment, établit un poids de forme pour chacun de ses joueurs (souvent arbitrairement, selon Samir Nasri) et exclut quiconque s'en éloigne (Kalvin Phillips la saison dernière).
Niklas Süle révèle qu'il a eu un long entretien téléphonique avec Hansi Flick pour l'inviter à dîner réviser son jugement. Il prévient: «Je ne changerai d'attitude pour personne. Pas même pour l'équipe nationale. Je sais que je suis un joueur un peu atypique, mais je ne vais pas me laisser traiter de gros con pendant des jours».
Il y a cinq ans, quand certains le trouvaient déjà dodu, Niklas Süle répliquait avec le même aplomb: «Je ne suis pas entraîné comme Lewandowski, mais je ne suis pas non plus un gros sac, je suis relativement trapu. Malgré ma taille et ma stature, je suis relativement rapide, peut-être pas sur les cinq premiers mètres, mais sur une longue distance, oui».
L'avantage du football moderne, outre ses problèmes de bourrelets étalés sur la place publique, est qu'il fournit des études comparatives précises et pratiquement infaillibles. Si Niklas Süle est le meilleur défenseur d'Allemagne, ça se verra. Encore plus que son petit bidon.