Le pongiste Alexis Lebrun s'est offert ce week-end un nouveau titre de champion de France de tennis de table, en battant en finale son frère: le dénommé Félix. Solide dès les premiers échanges, il a rapidement mené deux sets à zéro, avant que le cadet ne revienne doucement dans la partie.
La rencontre s'est équilibrée et les deux jeunes garçons ont peu à peu livré une passe d'armes intense. Proche d'égaliser à trois manches partout, Félix a finalement cédé dans les derniers instants, s'inclinant 16-14 au sixième set. Il n'a ensuite pas pu retenir ses larmes, alors qu'Alexis grimpait sur la table afin de célébrer dignement son succès. Ce n'est qu'après ces secondes d'exaltation, et de détresse de l'autre côté, que les deux frangins ont échangé une accolade. Ils venaient de se trouver du regard juste avant.
La joie quelque peu excessive d'Alexis Lebrun s'explique. Il a remporté dimanche son troisième titre national consécutif, ce que personne n'avait réussi dans l'Hexagone depuis Jean-Philippe Gatien au début des années 2000. «Il faut bien profiter», exposait le principal intéressé à RMC Sport à l'issue de la rencontre.
Les larmes attendrissantes de Félix sont également concevables. Le pongiste, mieux classé que son aîné, n'a jamais battu son frère en match officiel. Seuls les Chinois, et Alexis donc, 22e mondial, parviennent à vaincre aujourd'hui le n°5 au classement mondial. Et dans une arène chauffée à blanc, sous les yeux de toute la famille Lebrun, on comprend volontiers qu'un athlète de 17 ans craque devant les caméras.
Félix Lebrun a troqué ce week-end son sourire habituel pour les larmes de crocodile, et cette scène n'est pas si anodine. Elle nous rappelle notre tendre enfance, lorsque nous jouions au «ping-pong» contre un frère, une soeur ou un ami, et que personne ne voulait perdre. C'était un peu la même chose à Montpellier, la ville de naissance des deux frangins, dimanche après-midi, sauf que des milliers de spectateurs assistaient au duel fratricide, et qu'un titre de champion de France était en jeu.
La célébration sans-gêne de l'un et les larmoiements de l'autre montrent à quel point cette rencontre était spéciale pour les deux joueurs. La partie se voulait remplie d'émotions, et c'est sans doute sur ce terrain affectif qu'elle s'est jouée - le plus jeune des deux frères ayant complètement raté son entame de match. Il devra à l'avenir travailler cet aspect pour vaincre un jour celui qui est moins bien classé que lui, mais qui reste à ce jour au sommet de la hiérarchie familiale.
Cette célébration, Félix n'en tient évidemment pas rigueur à son frère. Après tout, lui aussi aurait probablement jubilé de la sorte s'il s'était imposé pour la toute première fois contre l'aîné de la famille. Et puis, il sait qu'Alexis lui voue un profond respect, la preuve avec cette déclaration d'après-match.
Il y a bien sûr une rivalité entre les deux champions, mais celle-ci ne concerne que le terrain, rappelle leur père à RMC Sport: «Ce sont tout simplement des frères qui s’aiment. C’est important pour eux parce qu’il ne faut pas oublier que ce sont des gamins de 17 et 20 ans. Ils partent entre 250 et 300 jours par an hors de France».
Même s'il lui faudra du temps pour digérer, le plus jeune des deux pongistes peut se consoler avec ce titre obtenu samedi, en double et avec son frère, justement. Tous les deux viseront une médaille olympique à Paris cet été, dans cet exercice si particulier, qui demande une véritable complicité. Et il n'y a pas mieux qu'un frère pour comprendre l'autre sur un terrain.
(roc)