Ça faisait longtemps que le HC La Chaux-de-Fonds n'avait pas déchaîné pareilles passions. 23 ans précisément, date de la dernière promotion en LNA. Alors forcément, son président, Olivier Calame, est un homme heureux. «Il est en train de se passer quelque chose dans cette ville autour du hockey», s'enthousiasme-t-il.
Le boss du HCC a pu s'en rendre compte en marchant dans les rues, où il a observé des choses inhabituelles:
Cette effervescence soudaine est tout sauf un hasard: le HCC cartonne en Swiss League comme jamais. Jeudi à Sierre, il a gagné (2-1 après prolongation) son 17e (!) match de suite. Une statistique hors du commun qui lui permet de mener 2-0 dans ce quart de finale des play-off et qui lui a fait survoler la fin de la saison régulière. Les hockeyeurs neuchâtelois ont conclu celle-ci en tête, avec un impressionnant bilan de 36 victoires contre seulement neuf défaites. Soit 105 points, trois de plus que leur dauphin et seul véritable rival, Olten. A titre de comparaison, le troisième (GCK Lions) n'a récolté que 74 unités.
Cette saison de feu, «La Tchaux» la doit surtout à sa redoutable attaque, qui a enquillé 205 pions, soit une moyenne de 4,5 par match. De très loin la meilleure de la ligue. Les artificiers en chef se nomment Toms Andersons et Oliver Achermann. C'est simple: le Letton (ailier) et l'Uranais (centre) sont respectivement les deux meilleurs compteurs du championnat.
Logiquement, la première ligne offensive qu'ils forment avec le Norvégien Sondre Olden fait des étincelles. D'autant plus que leurs qualités sont complémentaires: Andersons est le roi des assists (47 sur un total de 65 points en saison régulière) alors qu'Achermann est un serial buteur (33 réussites en saison régulière et déjà 3 en play-off).
Les Abeilles peuvent aussi compter sur une défense solide (la deuxième de la ligue) et un gardien – le Suédois Viktor Östlund – tout aussi robuste. Le Scandinave a retenu 93,3% des tirs adverses en saison régulière, soit la deuxième meilleure statistique. «Et puis il y a aussi une ambiance hyper saine dans l'équipe, elle est cruciale dans ce succès», tient à préciser Olivier Calame. Le mérite en revient aussi au coach Louis Matte, qui effectue sa première saison comme entraîneur principal chez les pros après 15 ans d'assistanat à Genève-Servette.
Si tout roule sur la glace et dans les vestiaires des Mélèzes, c'est également le cas en tribunes. Le HCC a eu 2400 spectateurs en moyenne par match durant la saison régulière, autrement dit une hausse de 40% par rapport à l'avant-Covid, comme le fait savoir 24 Heures. Pour le premier acte du quart de finale contre Sierre, il y en avait 3200.
Autre bonne nouvelle: les loges VIP, devenues indispensables financièrement dans le hockey moderne, se sont aussi remplies. «Cette saison, 15 nouvelles entreprises ont rejoint le Goal Club», se réjouit Claude Monbaron, responsable des événements dans ce fan's club qui regroupe plus de 200 membres (dont beaucoup d'entrepreneurs).
Le fort engouement autour du club et les excellents résultats de l'équipe ont poussé les dirigeants à déposer leur candidature – validée – pour la National League. Olivier Calame argumente:
Le président des Abeilles ne fait pas pour autant une fixette sur la promotion, même s'il avoue vouloir «rendre ses lettres de noblesses» à un club champion de Suisse six fois de suite (record national) entre 1968 et 1973 et qui fait partie des mythes du hockey helvétique. Il sait que le chemin est encore long et il n'en a pas fait un objectif. «En tant que compétiteurs, on veut avant tout faire mieux que la saison passée. C'était une demi-finale, alors si on arrive en barrage, notre saison sera déjà réussie.»
La montée en National League comme priorité, c'est pour 2025, confie Olivier Calame. Mais si elle a lieu cette année déjà, les Neuchâtelois l'accepteront. D'autant plus que leur président est confiant au sujet d'un éventuel avenir dans l'élite:
Claude Monbaron rêve lui aussi de revoir le HCC dans l'élite, que le club a quittée en 2001 après un barrage promotion/relégation perdu contre le Lausanne HC. Et pourtant... «La promotion me fait peur», lâche d'entrée celui qui a été président des Abeilles entre 2001 et 2006.
Elle lui rappelle cette unique saison en LNA catastrophique sportivement (le club était remonté en 2000 pour redescendre 12 mois plus tard), mais surtout la situation financière encore pire qui en avait découlé. Les Neuchâtelois avaient évité de justesse la faillite et faisaient peine à voir sur la glace (terminant deux fois avant-derniers et une fois derniers de Ligue B entre 2002 et 2006).
Alors Claude Monbaron le sait peut-être mieux que quiconque: la National League oui, mais pas à n'importe quel prix. «Je félicite Olivier Calame et son équipe pour le travail qu'ils font, mais je crains qu'il soit impossible de trouver suffisamment de sponsors pour monter le budget à 10 millions», anticipe-t-il.
L'ex-président doute encore d'une autre chose: la capacité du HCC à attirer suffisamment de spectateurs une fois dans l'élite. «On compare souvent La Chaux-de-Fonds au HC Ajoie, mais le canton de Neuchâtel a un tout autre contexte que le Jura», rappelle-t-il.
Niveau pronostics, Claude Monbaron voit justement son club de cœur affronter les Ajoulots dans le barrage de promotion/relégation. «Sur le papier, Ajoie est plus fort, mais avec une dynamique positive et une capacité à se transcender, le petit peut réaliser des exploits. En tout cas, cette série serait folle au niveau de l'ambiance!»
Juste avant de raccrocher le téléphone, on devine le sourire derrière la voix de l'ancien boss du HCC. «Bon, on se voit la saison prochaine aux Mélèzes en National League!» Il s'est trahi, son cœur est plus fort que sa raison. Oui, il se passe vraiment quelque chose à «La Tchaux» en ce moment.