Il fallait éviter d’avoir sa bière ou son soda rempli à ras bord samedi soir aux Vernets peu après le début du match, ou alors avoir la main très ferme. Parce que les fans, aussi bien genevois que zougois, ont eu quelques sursauts de frayeur.
La faute à plusieurs relances ratées ou pucks perdus par les défenseurs des deux camps, qui ont offert de grosses chances de but aux attaquants adverses. Après dix minutes, on dénombrait déjà quatre occasions dans ce genre de situation. C'est uniquement grâce aux miracles des deux gardiens, Robert Mayer (Genève) et Leonardo Genoni (Zoug), que le score était encore de 0-0 à ce moment.
Même si le coach de Genève-Servette, Jan Cadieux, expliquait après le match que ses joueurs étaient nerveux en début de partie, ce n'est pas la cause principale de ces maladresses. Non, ces offrandes sont la conséquence des risques pris par les défenseurs pour sortir le puck de leur zone proprement, même sous la pression des adversaires. Autrement dit, en construisant le jeu depuis l'arrière, soit en faisant une passe, soit en remontant la rondelle collée à la crosse. «On a joué comme ça toute l’année, ce n’est pas le moment de changer», se justifie Jan Cadieux.
Le technicien concède qu'il faut aussi, parfois, savoir jouer plus simple quand le danger est trop grand. Mais cette obsession d'avancer sur la glace en gardant le contrôle du puck a de quoi rendre les équipes redoutables, quand elles ont la qualité technique nécessaire. C'est le cas de Genève et Zoug.
C'est justement une sortie de zone des plus risquées qui a amené l'ouverture du score zougoise (26e minute): Geisser puis Muggli ont, tour à tour, tenté de percer le forechecking des Aigles avec, les deux fois, des pertes de puck. Heureusement pour eux, leur coéquipier, Lino Martschini, interceptait une passe genevoise et filait à toute vitesse vers le but adverse. Après un relais avec Leuenberger, c'est lui qui était à la conclusion de cette action éclair.
La vitesse, c'est aussi ce qui caractérise ce style de jeu ultra-construit. Celui-ci exige, dès lors, une technique impeccable. «Tu dois être en confiance pour le pratiquer», valide Marco Maurer, défenseur de Genève-Servette.
Oui, le niveau technique des défenseurs a progressé. Des artistes comme les Servettiens Henrik Tömmernes ou Sami Vatanen en sont la preuve. Pour poser ce jeu léché, il faut aussi une organisation tactique très bien rodée. «L'idée, c'est que les cinq joueurs montent ensemble en bloc, il n'y a plus de carotte qui reste plantée devant», décortique Jan Cadieux.
Les amateurs de foot verront de fortes similitudes avec ce qui se fait actuellement en football, où de nombreuses équipes mettent un point d'honneur à construire le jeu depuis l'arrière, en ayant quasiment aboli les longs dégagements du gardien. Avec, là aussi, parfois des gros risques qui ont amené des bourdes voire des buts gags.
D'ailleurs, David Aebischer, défenseur de Rapperswil – une équipe qui a cet esprit joueur comme Genève, Zoug et Bienne, notamment – qualifiait ce style de «tiki taka du hockey sur glace», ce jeu fait d'une multitude de passes courtes caractéristique du FC Barcelone. La référence fait rire Marco Maurer. «Oui, il y a parfois un peu de ça.» Mais le colosse recadre:
Ce n'est pas forcément le jeu qu'il apprécie le plus comme spectateur. «Parfois, ça peut être plus ennuyant à regarder», reconnaît-il. Parce que, forcément, ça frotte un peu moins contre la bande et on peut se lasser de longues séquences de possession.
Si ce sont les défenseurs qui sont les acteurs de ce changement de paradigme, les attaquants y jouent aussi un rôle. «Les attaquants se placent davantage entre les défenseurs adverses pour couper les lignes de passe. Avant, ils venaient plutôt directement contre le défenseur», observe Marco Maurer. Les coachs doivent aussi ajuster le pressing, comme l'explique Jan Cadieux:
Les Genevois savent donc parfaitement ce qu'ils doivent faire pendant l'acte II dimanche dès 20 heures à Zoug pour que leurs fans n'aient pas de sueurs froides et puissent profiter de leur boisson en ne la renversant pas.