Urs Meier, l'arbitrage suisse sera présent à l'Euro 2024 grâce à Sandro Schärer et ses assistants Stéphane De Almeida et Bekim Zogaj, ainsi que Fedayi San à la VAR. C'est une première dans un grand tournoi depuis 2010. Que représente cette nomination?
C'est très important. Nous sortons d'une longue traversée du désert. Jusqu'à 2010, la Suisse avait toujours eu un arbitre en Coupe du monde depuis 1934. Le fait que Sandro et son équipe participent à l'Euro est un signal extrêmement important. Nous avons repris notre
marche en avant. J'espère que nous ne renoncerons plus aux grandes compétitions.
Pourquoi avons-nous dû attendre si longtemps?
Nous avions vu venir cette évolution. La Suisse a été dépassée par d'autres nations. La professionnalisation n'a pas été mise en œuvre, ce qui est la raison pour laquelle j'ai démissionné de mon poste de responsable des arbitres de haut niveau en 2011.
Que voulez-vous dire?
J'ai attiré l'attention sur ce problème à l'Association suisse de football (ASF). On m'a répondu que les arbitres s'étaient déjà nettement améliorés ces dernières années, que nous ne pouvions pas exiger davantage de leur part. Au sens figuré, nous avions repeint notre voiture et installé un nouveau volant. Mais ce qu'il fallait au plus vite, c'était un nouveau moteur. Et sans nouveau moteur, impossible d'être compétitif en Formule 1. Le moteur aurait été la professionnalisation de nos arbitres.
Mi-mai, les 89 arbitres sélectionnés pour l'Euro ont bouclé un camp de préparation à Francfort, organisé par l'UEFA. La professionnalisation semble avoir encore progressé.
Oui, au niveau de l'UEFA et de la FIFA, ce qui est mis en place est bon depuis longtemps. Vous pouvez vous préparer de manière professionnelle, suivre un programme d'entraînement précis et avoir la possibilité de vous régénérer. A mon époque, nous avions déjà un préparateur physique et un psychologue.
Vous avez participé à deux Championnats d'Europe des nations, en 2000 et 2004. Quels souvenirs en gardez-vous? Après le quart de finale de 2004 entre le Portugal et l'Angleterre, vous avez involontairement fait la Une des journaux.
Au total, j'ai vécu cinq excellentes rencontres à l'Euro. Même s’il manquait le très grand match, une demi-finale ou une finale. Mais bien sûr, ce Portugal-Angleterre, et ce qu'il s’est passé ensuite, cela résonne toujours dans mon esprit.
Un but anglais avait été refusé à juste titre. Mais en Angleterre, il y avait eu un acharnement. Une campagne avait été lancée contre vous. Des informations privées ont été publiées. Vous avez reçu des menaces de mort. Cela peut-il encore arriver de nos jours?
Je ne l'espère pas. Ce serait incompréhensible de ne rien apprendre d'un tel accident.
En parlant de mauvaises décisions, on compte beaucoup sur la technologie pour les éviter, plus que lorsque vous fouliez les terrains. Comment percez-vous cette évolution?
J'ai introduit la Goal-line technology avec Sepp Blatter, alors président de la FIFA, car nous voulions aborder le problème de «marquer ou de ne pas marquer». En tant qu'arbitre, vous ne pouvez pas voir si un ballon franchit la ligne ou non. C'est pourquoi nous avons fait campagne pour cette technologie. Nous savions que l'assistance vidéo viendrait ensuite et que des décisions seraient prises sans que la technologie n'apporte son aide.
Que voulez-vous dire?
L'utilisation de la VAR pose parfois problème. Il arrive que cela tourne mal. Elle intervient là où elle ne devrait pas et n'intervient pas lorsqu'elle le devrait. Il n'y a aucune garantie. Si tout fonctionnait correctement, nous n’en discuterions même pas.
Êtes-vous content de ne pas avoir eu à arbitrer avec la VAR?
Absolument. A l'époque, je n'arrêtais pas de dire: «Nous marchons sur un fil sans filet de sécurité». Nous savions que si nous faisions une erreur ou manquions quelque chose, il y aurait des répercussions. Cela allait faire mal. Nous étions donc concentrés en conséquence.
Ce n'est plus le cas maintenant?
Aujourd’hui, il y a ce filet de sécurité. Si quelqu'un n'a pas vu quelque chose, l'arbitre vidéo peut le voir. Ce ne sont plus les mêmes conséquences. Vous ne faites plus le dernier effort, vous ne vous battez plus pour la meilleure position sur le terrain. Vous n’assumez plus la responsabilité. Il faut revenir au point où les arbitres et leurs assistants sont responsables du match.
Comment faire pour améliorer cela?
Ces dernières années, du temps et de l'argent ont été investis dans la VAR. A mon avis, on consacre trop peu de temps à la formation des arbitres, au développement de leur personnalité et à leur compréhension du football. Il faut repenser le système. Quand je vois comment fonctionnent les grands clubs et constate ce qui est fait avec les arbitres, il y a une énorme différence. En Bundesliga, les arbitres devraient être la 19e équipe. Ils devraient avoir les mêmes ressources, les mêmes infrastructures qu'un club professionnel. C'est un sujet qui est débattu depuis 20 ans.
Selon vous, que peut faire Schärer à l'Euro?
Il a tout ce dont un bon arbitre moderne a besoin. Il débute sa carrière internationale. Le Championnat d'Europe lui offre sa première grande vitrine. Je suis convaincu qu'il vivra tout ce que j'ai pu vivre, peut-être plus encore.
(sda/ats/abu/roc)