La Suisse compte environ quatre millions de joueurs et joueuses. Selon un sondage de l'institut Link, la moitié d'entre eux tâtent même la manette plusieurs fois par semaine.
Et cette étude divise les joueurs suisses en différents types. Environ 20% peuvent être classés dans le type «compétiteur»: ils jouent principalement pour se mesurer aux autres. Le jeu vidéo compétitif est donc très populaire dans notre pays. Et le sport électronique a le vent en poupe dans le monde entier.
La discussion sur la question de savoir si l'e-sport doit être considéré comme un sport officiellement reconnu ou non existe depuis sa naissance et ne sera probablement pas résolue de sitôt. Mais le fait est que le secteur de l'e-sport, qui connaît une croissance rapide, est devenu depuis longtemps un phénomène de masse.
En 2021, l'industrie de l'e-sport a réalisé un chiffre d'affaires de 1,1 milliard de dollars. Pour 2022, ce chiffre devrait même avoir augmenté en atteignant 1,4 milliard de dollars. Un coup d'œil sur l'Asie, où environ 42% du chiffre d'affaires de la branche ont été réalisés, montre le potentiel de l'e-sport. Son aura sur ce continent est comparable à celle du football en Europe. Les pros de l'e-sport y sont des superstars, les tournois se déroulent dans des salles combles et les compétitions sont retransmises à la télévision en direct. Aux Jeux asiatiques de 2023, l'e-sport fera pour la première fois officiellement partie des disciplines.
Le Comité international olympique (CIO) semble lui aussi avoir reconnu le potentiel de ce secteur en plein essor. En organisant pour la première fois la «Olympic Esports Week» (en français: «La semaine olympique de l'e-sport»), qui aura lieu en juin à Singapour, le CIO tente un nouveau rapprochement avec le monde du gaming de compétition.
Mais avec ce projet, le CIO ne se heurte pas seulement aux voix critiques habituelles qui rejettent toute association de l'e-sport avec le monde du sport réel, mais des critiques se font également entendre dans le milieu lui-même. La raison? Le choix des jeux vidéo au programme de la compétition.
Cette «Olympic Esports Week» s'appuie sur les «Olympic Virtual Series», qui ont eu lieu en 2021. Environ 250 000 joueurs de 100 pays y ont participé. Seuls le baseball, le cyclisme, l'aviron, la voile et les sports mécaniques étaient au menu. C'est d'ailleurs frappant de constater que le baseball et les sports mécaniques ne sont pas des disciplines olympiques dans le monde réel. Le jeu de football extrêmement populaire «FIFA», qui est la simulation sportive la plus vendue de l'Histoire, a par exemple été écarté.
La critique de la communauté du sport électronique contre la démarche du CIO est toutefois d'une autre nature. En effet, les jeux les plus prisés de l'e-sport comme «Counter Strike» ou «League Of Legends» ne devraient pas non plus trouver leur place lors de la «Olympic Esports Week» en raison de leur contenu. Ça reviendrait à renoncer à l'athlétisme aux Jeux olympiques d'été, par exemple.
Cette mise à l'écart de la «Olympic Esports Week» de ces jeux si populaires – contrairement aux championnats d'Asie – s'explique par l'attitude fondamentalement hostile du CIO à l'égard des jeux dits «tueurs», où le but est d'assassiner des ennemis. Et cette opinion ne changera pas tant que le président actuel du CIO, Thomas Bach, sera à la tête de l'organisation.
Lors d'une conférence de presse à l'occasion d'un forum sur les sports électroniques organisé par le CIO en 2018, Bach a déclaré:
Les jeux de simulation sportive sont certes plus accessibles et tolérables pour les responsables du CIO et le citoyen moyen qu'un jeu militaire ou de stratégie abstrait, mais ils ont plutôt un rôle secondaire dans l'univers de l'e-sport. A moins que le CIO ne change d'orientation dans les prochaines années en ce qui concerne le choix des jeux, l'e-sport dans le cadre olympique ne sera jamais pris sérieusement par les gamers actuels.
Adaptation en français: Yoann Graber