L'offre de rachat est parvenue vendredi soir à la famille Glazer, actuelle propriétaire de Manchester United. Officiellement, cette offre est portée par Jassim bin Hamad bin Jaber Al Thani, fils de l'ancien premier ministre du Qatar et actuel président de la banque QIB. L'homme de 41 ans a fait ses études en Angleterre et se revendique comme un grand supporter de ManU.
L'ambition est à la hauteur des moyens: colossale. Surtout, le projet se désolidarise habilement de la famille Glazer et de ses méthodes ultra-libérales. Exemple type:
Or la famille Glazer a fait tout le contraire: elle a acquis Manchester United en contractant un prêt... sur le compte du club. Techniquement, Malcolm Glazer a utilisé un plan de rachat à effet de levier plutôt que son propre argent. La méthode consiste à emprunter une somme contre un actif futur pour acheter ledit actif, moyennant intérêts.
Au gré des saisons, le montage financier aurait coûté 1,3 milliard de francs à Manchester United, entre les intérêts (110 millions de francs par an, le prix d'un joueur de classe mondiale) et les frais de transaction. En récompense de la dette qu'elle crée, la famille Glazer s'octroie de généreux dividendes (entre 20 et 35 millions de francs par an).
Manchester United est actuellement détenu et géré par les six fils de l'ancien propriétaire, décédé subitement: Avram, Joel, Kevin, Bryan, Darcie et Edward Glazer. Les supporters réclament leur départ depuis de nombreuses années.
C'est là que l'offre qatarie est particulièrement habile: dans un communiqué public, elle promet des investissements à fonds perdus et, surtout, de replacer «les supporters au cœur du Manchester United Football Club».
Citant des sources anonymes, The Athletic atteste que le Cheikh Jassim est un inconditionnel des Reds depuis ses études en Grand-Bretagne. Il a baptisé sa fondation «92» en hommage à la génération dorée des Beckham, Giggs et Scholes.
Dans la corbeille de la mariée, le Cheikh promet de grands joueurs et un stade moderne, totalement rénové, pour «que Manchester United redevienne le plus grand club du monde».
Le Qatar confirme officiellement qu'il n'a aucune intention de céder le Paris St-Germain, malgré son différend avec la mairie pour l'agrandissement du Parc des Princes et ses efforts relativement vains pour installer le club dans une certaine élite européenne.
Surtout, le Qatar s'évertue à dissocier les deux opérations financières: le PSG appartient au fond souverain QSI tandis que l'offre de rachat de Manchester United est celle de la Nine Two Foundation, ce qui en ferait officiellement deux propriétaires distincts.
La nuance est capitale: dans ses règlements actuels, l'UEFA interdit à deux clubs détenus majoritairement par un actionnaire identique de disputer la même compétition européenne. Concrètement, le PSG et Manchester United ne pourraient pas disputer la Ligue des champions simultanément s'ils étaient détenus tous les deux par QSI.
La candidature qatarie lance un processus de vente qui devrait durer de longues semaines. Selon des sources britanniques, l'offre de rachat oscillerait entre 4 et 6 milliards de dollars, bien plus que n'en a dépensés la famille Glazer.
Mais le Cheikh Jassim n'est pas seul. Echaudé par l'arrivée d'un puissant rival, le Britannique Ineos a rappelé son intérêt, samedi, dans un communiqué aux accents patriotiques: «Nous considérons notre rôle comme celui des gardiens du temple à long terme de Manchester United, au nom des supporters et de la communauté au sens large. Nous sommes ambitieux et nous voulons investir dans Manchester United pour en faire à nouveau le club numéro un dans le monde.»
D'autres offres, plus discrètes, venues d'Arabie saoudite et des Etats-Unis, seraient également sur la table.