A midi pile, l'énorme détonation de trois canons perce la tranquillité d'Oberperfuss. «Probablement un mariage à l'église», suppose Beat Feuz. Quelques minutes plus tôt, le champion olympique de descente vient de subir sa toute première défaite dans la catégorie «jeunes seniors» dans l'équivalent autrichien des interclubs de tennis, sur le court local à côté de la caserne des pompiers.
Toutes ses variations tactiques n'ont servi à rien. Elles sont restées inefficaces face au joueur le mieux classé de toute la ligue «et probablement contre le meilleur adversaire que j'ai affronté dans le championnat». Pour une fois, Beat Feuz, qui avait jusque-là aligné les victoires, doit quitter le court battu.
La défaite ne met pas de mauvaise humeur le Bernois de 36 ans, ni sa compagne Katrin Triendl, au bord du terrain. Plus que le résultat, c'est l'aspect social de la compétition qui compte. Et Beat Feuz, plutôt introverti, n'a jamais été du genre à afficher sa rage de vaincre.
Sa fille Clea, âgée de cinq ans, a de toute façon d'autres projets pour son papa. Elle l'accapare dès la fin du match avec l'envie de faire une partie de cache-cache, accompagnée d'autres enfants de coéquipiers.
Mais Beat Feuz doit d'abord poser pour une photo souvenir avec son bourreau du jour. A côté de l'immense affiche de félicitations de son club de tennis pour son sacre olympique à Pékin en 2022, c'est le seul indice qui montre que le Bernois n'est pas un joueur amateur quelconque.
Après avoir définitivement rangé ses lattes en janvier dernier, les matchs de tennis hebdomadaires restent le seul sport de compétition dans la nouvelle vie de l'ex-meilleur descendeur du monde. A côté du court, il franchit aussi des cols à vélo électrique ou à vélo de course. Il s'est également rendu à plusieurs reprises à Seefeld (Tyrol) pour faire du ski de fond. Tout ça en fonction de son envie et son humeur.
Le héros du ski suisse profite de sa nouvelle vie, centrée sur sa famille. Il y a trois ans, il a emménagé dans une nouvelle maison avec sa compagne Katrin Triendl, dans le village natal de cette dernière, sur le haut plateau pittoresque côté sud de la vallée de l'Inn. Un choix qui définit bien Beat Feuz: une maison familiale fonctionnelle, loin du luxe ostentatoire ou d'une villa XXL. Le jardin, avec sa vaste aire de jeux pour les enfants, occupe la plus grande partie de l'espace.
Oberperfuss et ses habitants lui rappellent l'atmosphère de Schangnau (BE), où il a grandi et où il est toujours enraciné. En été, Beat Feuz joue les hôtes pour une équipe de football de l'Emmental qui participe au tournoi du village tyrolien depuis des années. «Les joueurs se comprennent toujours d'emblée», explique le champion. Oui, ils parlent la même langue, l'allemand.
Et justement, à propos de langue: Feuz passe parfois au milieu d'une phrase d'un fort accent bernois à l'accent tyrolien. Comme autrefois sur les skis, quand il improvisait de temps en temps avec talent.
Désormais, il apprécie tout simplement de passer plus de temps à la maison avec sa famille. «Et de ne pas devoir toujours se concentrer sur le programme et les objectifs d'un skieur pro», précise-t-il. L'ex-star du Cirque blanc enchaîne:
Actuellement, il fait plus souvent l'aller-retour entre son village d'adoption, Oberperfuss, et la Suisse que ce n'était le cas pendant un été normal de sa carrière. La raison? Les différents projets avec ses sponsors de longue date. A l'époque, le Bernois ne pouvait les développer que durant les moments en dehors de son entraînement quotidien.
Beat Feuz veut prendre un peu de recul et se donner le temps de réfléchir à la manière dont il entend organiser son quotidien professionnel à l'avenir. Outre son engagement en tant qu'associé de l'entreprise de vélos électriques e-framer à Thoune (BE) et auprès de ses sponsors, il sonde actuellement différentes options en toute tranquillité.
La Fédération suisse de ski a déjà frappé à la porte du champion olympique avec l'idée d'utiliser ses larges connaissances à bon escient, lui qui a porté pendant 20 ans la combinaison nationale. Peut-être dans une fonction de conseiller, comme le fera son compatriote Dario Cologna en ski de fond ou son rival de longue date, Matthias Mayer, dans l'équipe de vitesse autrichienne. «Mais je ne serai assurément pas entraîneur. Sinon, j'aurais tout aussi bien pu continuer à skier», sourit Beat Feuz.
Il n'a pas regretté une seule seconde son départ à la retraite. En plus du besoin de passer plus de temps avec sa famille, il a aussi abandonné un fardeau.
Sur les courts, la douleur est désormais moins vive et elle n'empêchera pas Beat Feuz de gagner encore des matchs interclubs. Novak Djokovic n'a qu'à bien se tenir!
Adaptation en français: Yoann Graber