Le tennis a Wimbledon, la F1 Monaco et le freeride Verbier. Comme le tournoi londonien et le circuit de la Principauté, la station valaisanne est devenue La Mecque de sa discipline.
Des preuves? La plus célèbre des épreuves de ski et snowboard hors-piste, l'Xtreme de Verbier, y a lieu chaque année et n'est rien d'autre que la finale de la Coupe du monde (Freeride World Tour). Chaque édition offre son lot de vidéos et photos plus spectaculaires les unes que les autres, où l'on voit les riders dévaler les terribles pentes du Bec des Rosses.
La fameuse montagne accueillera aussi ce week-end la première étape du Freeride World Tour 2024, initialement prévue dans les Pyrénées espagnoles, mais délocalisée à la der' à cause du manque de neige. Et c'est tout sauf un hasard si Verbier joue ce rôle de remplaçante de luxe, comme l'histoire nous l'explique.
Les sommets du village valaisan accueillent dès les années 1970 une brochette de freeriders. Ils sont surtout Australiens, Américains ou Suédois et partagent leur passion dans la poudreuse, bien sûr, «mais aussi autour des barbecues à la Cabane Mont Fort ou au pub», se souvient Nicolas Hale-Woods, co-fondateur de l'Xtreme de Verbier, alors gamin, mais déjà convié à ces après-ski festifs. Ces férus de hors-piste font aussi circuler des photos et films de leurs exploits. De quoi créer une culture et un terrain propice au freeride.
Ces mêmes sommets bagnards sont le théâtre des balbutiements en 1996 de l'institutionnalisation de la discipline, jusque-là sauvage comme l'environnement dans lequel elle se pratique. Cette année-là se déroule la première édition de l'Xtreme de Verbier (alors uniquement ouverte aux snowboardeurs). «Il y avait déjà un championnat du monde en Alaska depuis 1993, mais Verbier a été le catalyseur», rembobine Nicolas Hale-Woods.
Depuis, l'événement n'a cessé de grandir et de frapper de plus en plus d'esprits, y compris au sein du grand public, grâce à des images particulièrement impressionnantes. «Une vue pareille sur le Bec des Rosses, on ne trouve ça nulle part», s'enthousiasme Nicolas Hale-Woods au téléphone, entre deux virages sur ses lattes. Et les organisateurs ont su l'exploiter.
Au sein de la communauté des freeriders, la réputation de l'Xtreme de Verbier se répand comme une traînée de poudre (blanche) et la compétition devient la référence. Elle l'est toujours aujourd'hui. «Beaucoup de skieurs et snowboardeurs disent qu'ils préféreraient gagner l'Xtreme plutôt que le Freeride World Tour», sourit celui qui est co-fondateur des deux manifestations. Le fantastique décor, la renommée et le savoir-faire dont jouit l'épreuve valaisanne font naturellement d'elle l'étape phare du circuit, mis sur pied dès 2008.
Forcément, ces superbes images mettent des étoiles dans les yeux des jeunes du coin, qui enchaînent les compilations sur YouTube, avides de sensations fortes et de liberté. Problème: encore au début des années 2010, il n'existe aucune structure encadrant la glisse hors piste des enfants et ados.
Pour combler ce vide, Nicolas Hale-Woods fonde la Freeride World Tour Academy à Verbier pour les 8-16 ans. Robin Darbellay en est son premier instructeur et crée un programme d'entraînement. La structure, aujourd'hui intégrée à Swiss-Ski, contribuera à renforcer la domination de la station d'Entremont dans le freeride mondial.
La première génération d'athlètes biberonnés au freeride sans avoir commencé par l'alpin toque désormais à la porte du Freeride World Tour. C'est le cas du Martignerain Martin Bender (19 ans), qui disputera ce week-end sur le Bec des Rosses sa première épreuve de Coupe du monde adultes. Pur produit de l'Academy, il profite de l'émulation dans le village et contribue à la développer. «Ici, il y a un grand bassin de riders, on se motive mutuellement», se réjouit le champion du monde juniors 2022.
Comme La Mecque, Verbier est victime de son succès en étant assaillie par les fidèles. «Ce n'est pas la station que je préfère pour rider, car dès le matin, tout le monde se bouscule pour partir à la chasse de la première trace fraîche dans la neige», peste Martin Bender. De leur côté, Nicolas Hale-Woods et son staff ont dû refuser des nouvelles recrues dans leur Academy. «Cet automne, 240 enfants se sont préinscrits, mais on a pu en choisir que 160, faute de moniteurs», précise le quinqua.
Malgré les nombreux déçus, la nouvelle est réjouissante. D'autant que les recalés risquent bien d'avoir bientôt leur place si la structure bagnarde se développe aussi vite que l'institutionnalisation du freeride. «On espère que notre discipline sera intégrée aux JO 2030 en France», sourit Nicolas Hale-Woods avant de repartir à l'assaut de la pente.
Un statut qui ferait définitivement connaître Verbier sur la planète davantage pour son aura sportive que pour ses touristes anglais (généralement plus à l'aise à l'après-ski que sur les lattes) ou la résidence de James Blunt.