Il prend son snowboard en main et le retourne pour en observer la face inférieure. On y voit une guitare sur laquelle il pose le bout de ses doigts, comme s'il jouait réellement d'un instrument avec son snowboard. Cette scène réunit les passions de Pat Burgener: la glisse et la musique.
Le Vaudois de 29 ans glisse sur les halfpipes du monde entier avec sa planche, fait le tour des salles de concert avec sa guitare et montre tout cela sur les réseaux sociaux. Le plus souvent avec un grand sourire sur le visage et beaucoup de plaisir. Mais s'il remplit son profil Instagram de moments positifs, sa vie ne se déroule pas toujours de manière aussi insouciante. Ses chansons, d'ailleurs, le reflètent bien.
Certes, il parvient à créer une ambiance agréable avec des notes de guitare apaisantes et sa voix douce. Mais si l'on écoute attentivement les paroles en anglais, on s'aperçoit que tout ne va pas toujours bien pour lui.
Dans «Holding On», un autre de ses titres, le chanteur lâche: «Je suis au bord du gouffre». Et dans «Mother Home»: «Je ne laisserai pas voir mes larmes, je les cacherai à l'intérieur.» Ces textes parlent d'eux-mêmes, car c'est Burgener qui les écrit.
«La plupart des gens ne voyaient pas que je n'allais pas bien», dit-il. Aujourd'hui encore, il y a des jours où il est déprimé et apathique. «La vie est un combat permanent avec la tête», souligne celui qui a vécu des moments difficiles dans son sport. En 2014, il s'est d'abord cassé la main, puis a dû se faire rafistoler le ligament croisé gauche. C'était le point le plus bas de sa carrière.
Début 2021, le ligament croisé gauche s'est à nouveau rompu. L'année dernière, il s'est fait une contusion osseuse au même genou. Cela lui cause encore des soucis aujourd'hui. Mais Burgener répète à plusieurs reprises: «Je suis un combattant». Et il l'a montré une fois de plus aux Jeux olympiques d'hiver de Pékin, où il s'est classé à la 11e place, onze mois exactement après sa dernière rupture des ligaments croisés.
Le freestyler de 29 ans s'est par la suite concentré sur sa musique. Il a sorti son premier album au printemps de cette année et est parti en tournée européenne pendant un mois à l'automne. «C'est stressant, mais c'est une expérience méga-géniale», déclare-t-il. Entre sa tournée et le début de la saison en snowboard, il était à Londres pour enregistrer de nouveaux morceaux.
Burgener passe tellement de temps avec sa guitare qu'on a l'impression qu'il délaisse son sport. Mais c'est faux: il s'entraîne tous les jours. Et s'il était en tournée plutôt que sur le big air de Coire lors de la reprise de la Coupe du monde de freestyle (20-21 octobre), c'est parce qu'il ne pratique plus cette spécialité depuis longtemps. Il aimerait néanmoins se produire une fois au Big Air de Coire, non pas en tant que freestyler, mais en tant que musicien. «Ce serait un rêve», songe-t-il.
L'année dernière, le double participant aux Jeux olympiques n'a pas disputé une seule compétition en raison de douleurs au genou. Mais il devrait en être autrement cette année. «Je m'entraîne à nouveau à fond», dit-il, car son objectif est toujours de participer à ses troisièmes JO. Dans ce but, il espère débuter sa saison en décembre aux Etats-Unis et ensuite sélectionner quatre compétitions, pas plus, afin de répartir intelligemment son temps entre la musique, le tournage de vidéos et le sport. «Peu importe ce que tu fais, tu dois avoir du plaisir», résume-t-il pour justifier son programme.
Burgener est un homme positif. C'est ce qu'il ne cesse de faire comprendre. Le jeune homme de 29 ans a été renvoyé de cinq écoles à l'âge de 10 ans, car son TDAH (Trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité) faisait de sa vie un cauchemar. Le sport est son exutoire et son compagnon permanent.
La musique et le sport sont des constantes dans la vie de Burgener. Avant une compétition, il écoute par exemple sa propre musique. Avant un concert, il fait des tours sur scène avec son skateboard. C'est bien simple: le freestyler ne peut pas se passer de musique - et le musicien ne peut pas se passer de freestyle.
Adaptation en français: Julien Caloz