Il en a gros sur la patate, Granit Xhaka. Le milieu d'Arsenal et de la Nati ne supporte plus les nombreuses attaques dont il est la cible sur les réseaux sociaux ces derniers mois. Plus précisément, celles sur sa femme et ses enfants. Elles viennent même des fans des Gunners, ses propres supporters. Le joueur de 28 ans l'a fait savoir fin février pendant une conférence de presse avant un match d'Europa League:
⚽️ Après Xhaka, à qui le tour : le brassard de capitaine d'Arsenal est maudit depuis plusieurs années... Mais où est passé Tony Adams ? (par @Bruno_Constant)@ArsenalFansFR @Arsenal_France
— Yahoo Sport France (@YahooSportFR) October 30, 2019
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La détresse du capitaine de l'équipe de Suisse a fait beaucoup parler. Notamment au sein du Team Vaud, la filière de formation du Lausanne-Sport. «Ça intéresse beaucoup nos jeunes footballeurs», explique Yannick Fankhauser, responsable administratif du Team Vaud. «Ils comprennent que les joueurs comme Xhaka sont sous pression, qu'il y a aussi de mauvais côtés à la célébrité.»
Pas besoin d'être une star du ballon rond pour être la proie de personnes potentiellement néfastes sur les réseaux sociaux. «Les agents contactent de plus en plus nos jeunes de 15-16 ans directement sur leurs comptes privés, dans le dos des parents et des formateurs» déplore Yannick Fankhauser. Il affirme que 30 à 40% des 100 juniors du Team Vaud ont été concernés.
Et les vendeurs de rêve peuvent faire des dégâts dans les vies de ces pépites du ballon rond. Le Team Vaud a réagi il y a deux ans, en mettant en place des ateliers pour sensibiliser ses juniors aux dangers des réseaux sociaux. Une fois par année, les 16-17 ans assistent à un cours de 45 minutes. Objectif: leur faire prendre conscience des enjeux sur les plateformes numériques. Et notamment celui des fake news. Yannick Fankhauser s'enthousiasme:
Au Servette FC aussi, on protège la relève des requins numériques. «Un problème croissant, ce sont les messages haineux de parieurs fâchés après les défaites. On sensibilise nos jeunes à ça» révèle Loïc Luscher, responsable communication du club genevois. Il organise une fois tous les deux ans un cours de Media et Social Media Training pour les équipes M15 à M21. Un exercice en particulier est proposé: les jeunes footballeurs doivent imaginer un scénario de match frustrant. Après quoi on leur demande de poster des messages quelques minutes plus tard sur un faux compte Instagram. Ils sont ensuite analysés en compagnie des instructeurs.
Caroline Garcia a partagé certains messages qu'elle a reçus après sa défaite à Saint-Pétersbourg. Le quotidien des joueurs et joueuses de tennis... pic.twitter.com/LaRxtVhatJ
— Quentin Moynet (@QuentinMoynet) February 12, 2020
Pour faire prendre conscience de l'importance d'une communication numérique sans risques, Loïc Luscher et ses collègues peuvent s'appuyer sur un cas concret. Et local. «Quand il avait 13-14 ans, Jérémy Guillemenot postait des messages pro Real Madrid sur les réseaux sociaux lors des classicos contre le FC Barcelone», rappelle Loïc Luscher. «Ses posts ont été déterrés cinq ans plus tard quand il a signé au Barça. Ça a créé une petite polémique autour du club catalan. Alors on explique à nos jeunes que tout ce qu'ils postent sur internet peut avoir des conséquences.»
La préoccupation est la même du côté du Valais. Au FC Sion, la sensibilisation se fait avec les joueurs de la première équipe. «Après une défaite, on leur conseille de ne pas publier des photos, par exemple. Il y a l’image du club en jeu» avertit le responsable de communication sédunois Baptiste Coppey. «Ensuite, c'est du bon sens: on leur demande de ne pas mettre d'images d'eux avec une chicha ou de l'alcool. Ni associer le club aux messages qui peuvent être sensibles politiquement.»
Baptiste Coppey se réjouit: contrairement à Granit Xhaka, aucun footballeur du FC Sion n'a été la cible d'attaques sur ses propres comptes de réseaux sociaux, ni sur ceux du club. A croire qu'en Suisse, les professionnels du ballon rond sont moins exposés que les stars de la Premier League anglaise.
Le hockey sur glace semble lui aussi épargné, même si le chef de presse de Genève-Servette Geff Scarantino a récemment dû gérer un épisode délicat. «Début janvier, notre attaquant Damien Riat a écopé de sept matchs de pénalité pour une charge dangereuse sur un joueur de Lugano», rappelle le communicant. «Je lui ai conseillé de ne pas aller voir ce qui se disait sur lui sur les réseaux sociaux. Histoire d'éviter qu'il culpabilise encore plus, parce qu'il s'en voulait déjà beaucoup d'avoir fait mal à un adversaire.»
C'est bien de cela qu'il s'agit: ne pas se laisser perturber psychologiquement par des messages hostiles. Ils peuvent faire de gros dégâts, comme chez la joueuse de tennis canadienne Rebecca Marino. En 2013, elle avait arrêté sa carrière, ne supportant plus notamment les insultes qu'elle recevait sur les réseaux sociaux. Les performances dans le sport de haut niveau sont intimement liées à la confiance et à la sérénité des athlètes. Les fans d'Arsenal qui s'en prennent violemment sur les réseaux sociaux à leur joueur Granit Xhaka semblent l'avoir oublié...