Ils sont une cinquantaine à faire la file devant des portes en verre, au beau milieu du trottoir en cette après-midi de mardi. En dessus de celles-ci, cette enseigne: «Royal Air Maroc». Et puis les paroles d'une personne croisée à l'aéroport reviennent subitement en tête:
L'affirmation est très vite confirmée par deux jeunes hommes en bout de queue. Eux sont là depuis à peine trente minutes, avec très peu d'espoir d'obtenir les précieux sésames. «L'application pour obtenir le visa rame énormément», peste l'un deux. «Mais on tente quand même en venant directement ici.» Finalement, l'immobilisme de la queue aura raison de leur patience: ils la quitteront quelques minutes plus tard.
Un peu plus loin, Zakaria, Yassine et Salim campent fidèlement sur leurs positions. Eux, ils sont là depuis cinq heures, en étant arrivés dès 9h00 le matin. Sans aucune certitude de trouver un ticket d'avion et encore moins un billet pour la demi-finale à Doha. Malgré tout ce temps, ils n'ont avancé que de quelques mètres. «Depuis la qualif en demi-finale, trente vols sont organisés. Et avec une promotion: 5000 dirhams (réd: environ 500 francs suisses) au lieu de 12000 (1200 francs)», raconte Zakaria, 26 ans.
Mais ce joli rabais n'explique pas l'abnégation – qui serait synonyme de supplice pour beaucoup – des trois amis. C'est leur passion folle pour le football et la sélection marocaine qui est derrière tout ça. Deux d'entre eux suivent leur club de coeur respectif à travers tout le continent à l'occasion de la Ligue des champions africaine. Au point de se farcir, par exemple, des déplacements jusqu'en Tanzanie en février prochain. «Lui, il a même vendu sa voiture pour s'offrir le voyage au Qatar et un billet pour le match», s'exclame Zakaria en pointant du doigt son ami, Yassine. Sérieusement?! Le jeune étudiant en droit, 21 ans, acquiesce.
Oui, les trois amis sont vraiment prêts à tout pour aller au Qatar. Et tant pis si c'est juste pour faire la fête sur place, sans accès au stade. «On reçoit des visas seulement pour 24 heures, mais croyez-moi, si on y va, on restera plus longtemps sur place, quitte à prendre une pénalité. On logera chez des amis Marocains qui sont déjà là-bas», anticipe Yassine.
Et qu'en est-il de leurs obligations quotidiennes à Casablanca s'ils parviennent à s'envoler pour le Mondial? Leur réponse ne se fait pas attendre:
Juste derrière eux, Faht, 28 ans, vient d'arriver dans la file. Il assiste quasiment à tous les matchs du Maroc à domicile, aux quatre coins du pays. Lui aussi l'assure: il partira dès ce mardi soir s'il trouve un billet d'avion. Et il rentrera chez lui sitôt le match de mercredi soir terminé. Un aller-retour express à 7000 kilomètres de là qui témoigne de l'engouement incroyable autour des Lions de l'Atlas.