Voitures électriques, accumulateurs d'énergie, smartphones et ordinateurs portables: tous contiennent des batteries et le monde en demande toujours plus. La demande croissante est surtout alimentée par les véhicules électriques. En 2021, les ventes de voitures neuves ont doublé par rapport à 2020 pour atteindre 6,6 millions. Et ce chiffre va se multiplier, notamment parce que la Commission européenne vient de sceller la fin du moteur à combustion d'ici 2035.
Si rien ne change, c'est surtout la Chine qui profitera de cette évolution. Elle produit 75% de toutes les batteries lithium-ion, le leader incontesté du marché des types de batteries. La Corée et le Japon détiennent également une part importante de la chaîne d'approvisionnement.
L'Europe veut se libérer de cette dépendance et s'est déjà lancée dans la course à la batterie de demain. C'est désormais aussi le cas de la Suisse: mercredi, le Battery Innovation Hub a été officiellement inauguré au Centre Suisse d'Électronique et de Microtechnique (CSEM) de Neuchâtel.
La vision: des batteries plus performantes et plus durables, plus sûres et moins chères que les batteries actuelles.
Ce n'est pas que les bonnes idées pour de meilleures batteries manquent en Suisse. Les deux écoles polytechniques fédérales de Zurich et de Lausanne ainsi que le laboratoire d'essai des matériaux Empa à Dübendorf produisent des publications, des travaux de master et de doctorat à foison, ainsi que des prototypes et des brevets. Mais il y a un grand fossé entre la recherche académique et son transfert dans la chaîne de valeur.
Car il s'agit là d'un processus de longue haleine, qui demande du temps et de la continuité, explique Hutter. Des choses qui font défaut dans la recherche, car les projets ne sont souvent prévus que pour trois ou quatre ans. «Si aucun partenaire industriel ne saute alors le pas, l'idée finit rangée dans un tiroir». En tant que lien entre la recherche et l'industrie, le Hub veut contrecarrer cette tendance.
En effet, le rôle de constructeur de ponts est dans l'ADN du CSEM. Son prédécesseur, le Centre Électronique Horloger (CEH) de Neuchâtel, a développé la première montre à quartz au monde en 1967. Seulement voilà: l'industrie horlogère suisse n'a pas su reconnaître la valeur de ces montres alimentées par des piles et a continué à miser sur le perfectionnement de la montre mécanique.
Cela s'est rapidement avéré être une erreur: Les Japonais ont saisi l'occasion et ont poussé la technologie des montres à quartz jusqu'à la maturité du marché. Ces montres peu chères ont inondé la planète, ce qui a entraîné la disparition de nombreuses manufactures horlogères suisses dans les années 70 et 80.
La Confédération s'est alarmée et a voulu éviter à tout prix qu'une telle situation se reproduise. C'est pourquoi le Centre Suisse d'Électronique et de Microtechnique, le CSEM, a été créé en 1984 avec pour mission de transférer des technologies vers l'économie.
Un exemple de collaboration réussie entre innovation et économie est le développement de films solaires ultralégers pour l'avion électrique suisse Solarstratos. Un autre est la fabrication d'un cadran pour les montres Tissot, qui transforme la lumière du soleil en énergie électrique.
Et voilà donc que l'ère des batteries a commencé. «Dans le cas des batteries, le processus qui mène de l'idée à la production industrielle est particulièrement long», explique Hutter. Mais: «Les entreprises sont actuellement complètement absorbées par l'introduction sur le marché de la technologie actuelle des batteries». Il leur manque donc la capacité d'investir également dans des innovations.
Or il en faut. En effet, les batteries lithium-ion disponibles sur le marché ont pratiquement atteint leur limite physique et ont presque épuisé leur potentiel en termes de performance et de durée de vie. Des recherches sont donc menées dans le monde entier pour trouver de nouvelles technologies, par exemple en essayant de remplacer le lithium par des éléments comme le sodium, le magnésium ou l'aluminium.
Ce qui est plus prometteur selon lui: l'évolution de la technologie lithium-ion vers une batterie à l'état solide, dans laquelle l'électrolyte, jusqu'ici liquide, serait remplacé par un solide. «C'est la technologie avec laquelle nous voulons entrer sur le marché», déclare Hutter. Il estime que cela devrait se produire d'ici cinq à dix ans environ.
Les batteries à l'état solide offrent une plus grande sécurité, car elles ne contiennent pas de liquide inflammable. Une densité de stockage plus élevée est obtenue en remplaçant le graphite de l'anode, le pôle négatif de la batterie, par des feuilles de lithium métalliques très fines.
Un point faible de cette technologie est actuellement la formation de «dendrites de lithium» sur l'anode. Il s'agit de petites structures en forme d'aiguilles qui s'étendent souvent jusqu'à détruire la batterie.
«Il existe de nombreuses idées pour empêcher la formation de dendrites», explique Andreas Hutter. On essaie par exemple d'installer un séparateur en céramique entre le pôle négatif et le pôle positif. Si les dendrites s'y heurtent, elles se cassent. Mais des tests doivent encore montrer si cela fonctionne et est réalisable.
Hutter parle d'une véritable ambiance de ruée vers l'or dans le développement des batteries. Swissmem, l'association suisse de l'industrie des machines, des équipements électriques et des métaux, le lui a confirmé lors d'un entretien.
Mais pour cela, il faut maintenant de gros investissements, des spécialistes bien formés et une promotion économique adéquate, afin de maintenir les entreprises innovantes en Suisse.
(aargauerzeitung.ch)
traduit de l'allemand par Anne Castella.