Comment la Suisse passe à côté du juteux marché de la «fausse viande»
La croissance de la «fausse viande» est énorme en Suisse: près de 20% par année depuis 2016 pour atteindre 117 millions de francs de chiffres d’affaires en 2020. Un record. Pourtant, seuls le secteur de l’agroalimentaire et les supermarchés profitent de ce juteux marché, les succédanés de la viande et leurs matières premières étant tous des produits d'importation.
Dommage, estime l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG), qui a publié lundi une vaste étude sur ce produit qui représente aujourd’hui 2,3% du marché de la viande en Suisse. C’est peu, certes, mais c’est un marché voué à grandir encore et encore.
Ces succédanés, c’est quoi?
«Le pays possède un potentiel incontestable dans la culture des plantes protéagineuses destinées à l’alimentation humaine (…) Un marché de niche qui n’a pratiquement pas été exploité jusqu’ici», écrit ainsi l’OFAG. Il y a bien quelques essais ici et là, mais ils demeurent très marginaux.
Un retard qui s’explique par:
- Une production agricole inexistante. «Il reste des difficultés à surmonter en matière de conditions de production dans notre pays, notamment le choix des variétés selon le climat», indique Cornel Herrmann, analyste de marché à l’OFAG et auteur de l’étude. Dans ce contexte, le rôle de la recherche est central.
- Une absence d’usine de transformation. « La transformation des matières premières en succédanés de viande demande des outils et des compétences particuliers. Il n’y en a pas encore dans le pays», poursuit le chercheur. Il y a bien quelques entreprises qui placent un label «Swissmade» sur leurs produits, mais c’est essentiellement la dernière étape qui est réalisée en Suisse avec une matière première déjà transformée et importée.
Que faire alors? L’OFAG n’a pas de baguette magique, mais estime qu’il faut considérer la filière dans son ensemble, de la production des matières premières à la commercialisation ciblée des produits, en passant par les activités de transformation.
Il y a donc un coup à jouer en Suisse, pays riche par excellence et identifié comme tel par les producteurs de «fausse viande». Car «aucun consommateur en Europe ne dépense autant que le consommateur suisse», affirme l’OFAG, qui a calculé des prix d’achat bien plus élevés qu’ailleurs pour ce type de produits (19 euros/kg en moyenne, contre 11,1 euros/kg ailleurs en Europe).
En termes de consommation, les Suisses (surtout les jeunes familles alémaniques aisées, selon l’OFAG) semblent aussi particulièrement friands de ces alternatives. Seuls les Pays-Bas et le Royaume-Uni en consomment davantage (0,86 kilo par habitant et par année, contre 0,61 kg/habitant/an en Suisse).