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«De plus en plus de Suisses sont fragilisés par la hausse des prix»

«De plus en plus de Suisses sont fragilisés par la hausse des prix»
Les familles monoparentales sont très touchées par la précarité (illustration).Image: keystone

Hausse des prix en Suisse: «Certaines personnes doivent sauter des repas»

Les conditions de vie se durcissent en Suisse, y compris pour les ménages disposant de deux revenus à plein temps. Les organisations caritatives constatent une hausse des personnes dans le besoin et peinent à suivre la demande.
23.11.2025, 07:0123.11.2025, 07:01

La moitié de la population suisse a vu son pouvoir d'achat diminuer au cours de ces cinq dernières années, parfois de manière importante: près d'une personne sur trois fait état d'une «forte baisse». C'est ce qui ressort d'un sondage représentatif mené par watson avec l'institut Demoscope, publié cette semaine. L'enquête montre que de nombreux Helvètes ont dû adapter leurs comportements pour faire face à la hausse des prix.

Les associations caritatives actives sur le terrain ne le savent que trop bien. «Nous avons constaté que les conditions de vie se sont durcies, notamment pour les franges de la population ayant les revenus les plus faibles», indique Alain Bolle, directeur du Centre social protestant (CSP) à Genève. «Nous observons la même tendance», lui fait écho Aline Masé, responsable de la Politique sociale à Caritas Suisse.

Si les derniers chiffres de la Confédération restituent une situation stable, certaines réalités échappent aux statistiques, avance la responsable:

«De nombreux ménages qui, selon la définition de l'OFS, ne sont pas considérés comme pauvres, ont également du mal à joindre les deux bouts»
Aline Masé

«Sur le terrain, nous observons des réalités que les indicateurs globaux masquent très souvent», confirme Fabien Junod, président des Cartons du Coeur Romandie. «Une partie croissante de la population est fragilisée par la hausse marquée des prix».

Enfants et travailleurs pauvres

Selon les responsables que nous avons interrogés, avoir un travail ne garantit plus d'échapper à la pauvreté. «On voit des ménages qui, malgré deux revenus à plein temps, n’arrivent tout simplement plus à équilibrer leur budget», renseigne Fabien Junod. Le nombre de ces «travailleurs pauvres» (ou «working poor», en anglais), est en hausse. «Dans les Epiceries Caritas, il y en a de plus en plus», note Aline Masé.

«Si on regarde les chiffres de l’OFS, cela ne nous étonne pas», ajoute-t-elle: «Aujourd’hui, 8% des personnes actives occupées sont touchées ou menacées par la pauvreté. Les coûts de la vie augmentent, tandis que leurs salaires stagnent».

Par conséquent, les économies des gens s'érodent. Selon notre sondage, plus de 40% des Suisses n'arrivent plus à mettre de l'argent de côté. A Genève, près de 30% de la population n'a aucune épargne, assure Alain Bolle. Conséquence:

«Ces personnes peuvent se retrouver en difficulté dès qu'elles doivent payer une facture imprévue»
Alain Bolle

«Les familles monoparentales sont également très exposées au risque de pauvreté», remarque le directeur du CSP Genève, en rappelant que leur nombre est particulièrement élevé dans le canton du bout du lac. «En Suisse, avoir des enfants est devenu un facteur réel de précarité», renchérit Fabien Junod.

Hausse du prix des aliments

Tout le monde s'accorde à dire que le loyer et les primes maladie sont les dépenses qui pèsent le plus lourd sur le budget des ménages. Elles peuvent également constituer un risque de pauvreté pour les personnes appartenant à la soi-disant «classe moyenne», analyse Aline Masé. Elle souligne toutefois que cette catégorie de la population est «très large et difficile à cerner».

Parallèlement, Alain Bolle souligne qu'un nombre important d'individus a besoin d'aide pour accéder à des produits de première nécessité. «Nous constatons que certaines personnes doivent réduire le nombre de repas pendant la journée, et que des enfants ne sont pas correctement nourris en dehors des repas consommés à la cantine de l'école», complète-t-il.

La longue période d'inflation que la Suisse vient de traverser a, en effet, laissé des traces profondes sur les prix des aliments. Fabien Junod illustre:

«Un kilo de pâtes M-Budget ou Prix Garantie coûtait environ 0,65 franc en 2019. Après un pic à 1,40, le prix ne redescend aujourd’hui qu’autour de 1,20 franc. L’huile végétale bon marché est passée d’environ 2,50 francs en 2019 à plus de 5,20 francs au plus haut, pour revenir actuellement aux environs de 3,50 francs.»
Fabien Junod

Cette situation se retrouve clairement dans les chiffres. Depuis près de 30 ans, les Cartons du Cœur enregistrent une croissance annuelle relativement stable d’environ 8 à 12%, explique son directeur. «Ces deux dernières années, certaines régions ont toutefois connu une hausse de la demande de 30% à 35%», ajoute-t-il. «C’est sans précédent».

Si certains signaux ont commencé à se manifester avant la pandémie, c'est bien à partir de la période Covid que les choses ont mal tourné, nous indiquent les trois responsables. «Depuis le Covid, nous constatons que les Epiceries Caritas enregistrent une demande croissante et des chiffres de vente record», développe Aline Masé.

Des services débordés

Confrontées à cette hausse massive des besoins, les trois organisations affirment avoir de la peine à suivre la demande. «Nous vivons une situation de crise, qui nous a obligés à limiter l'accès au service social», déplore Alain Bolle. «Les services sociaux communaux sont également très sollicités et partagent ce constat».

Chez Caritas aussi, la tendance est «clairement préoccupante»: «Il y a plusieurs consultations sociales dans les Caritas régionales dans tout le pays qui sont débordées», complète Aline Masé, tandis que Fabien Junod affirme que son organisation a «atteint les limites».

Le directeur des Cartons du Cœur fustige l'absence de soutien concret de la part des autorités, notamment du canton de Vaud. «Nous assumons un rôle qui devrait être, au minimum, soutenu par les pouvoirs publics», développe Fabien Junod.

«Au lieu de cela, nous fonctionnons exclusivement grâce à la générosité de la population, de quelques entreprises, au travail des bénévoles»
Fabien Junod

Le responsable fait état d'une «fracture» entre la situation sur le terrain et les autorités, dont il dénonce les «décisions déconnectées de la réalité». «Si notre organisation existe, cela veut dire que l'Etat n'a pas fait son boulot», conclut-il.

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