Non. Ce n'est pas ce que vous vous imaginez, la question de la coupe de cheveux des conseillères fédérales n'est pas apparue lors d'une sortie entre collègues éméchés. Mais à voir les photos des femmes ayant connu la fonction (ci-dessous) on se dit qu'elle est légitime.
Est-ce le fruit du hasard que les conseillères fédérales n'aient pas de cheveux longs? Existe-t-il un lien entre la longueur des cheveux et la fonction? Et surtout: ces questions sont-elles tirées par les cheveux?
«Tous les enjeux que l'on retrouve autour des cheveux renvoient à un ensemble de valeurs sociales», explique le sociologue Michel Messu et auteur d'un ethnologue chez les coiffeurs. Toutefois, ce qui perdure dans l'Histoire, c'est la corrélation entre la chevelure des femmes et la représentation de la beauté.
Au sociologue de se référer, entre autres, aux films d'Alfred Hitchcock où la chevelure des actrices était défaite délicatement avant un baiser langoureux du héros.
Mais comment expliquer que cette chevelure abondante se soit transformée en une coupe au carré court? Michel Messu distille un élément de réponse.
Constat partagé encore aujourd'hui par Yannick Oddo, coiffeur à Lausanne.
Et la politique dans tout ça? Existe-t-il une coiffure du pouvoir? Pour Elizabeth Fischer, professeure associée HES, chargée de théorie sur l’histoire de la mode et des apparences, les femmes ont mis en place des stratégies d'adaptation pour accéder «aux arènes du pouvoir» que sont les parlements et autres sphères dirigés par les hommes.
A l'historienne de la mode d'ajouter l'hypothèse qu'une coupe de cheveux fonctionnelle servirait peut-être à gommer l'attention du public sur son look. «C'est peut-être aussi un moyen pour les femmes politiques de dire ‹concentrez-vous sur ma fonction et non mon apparence›». Il est vrai qu'en voyant ce cliché des conseillers fédéraux prise il y a 20 ans seulement, on remarque d'une part que la couleur noire n'est pas folichonne, et d'autre part que Ruth Dreifuss (à droite), seconde femme élue au Conseil fédéral se fond complètement dans le style vestimentaire austère de ces messieurs.
Attention toutefois à ne pas prendre de raccourci hâtif, les femmes politiques n'arborent pas une coupe courte pour ressembler à ces messieurs. «Avec le cheveu en général, on est toujours dans des formes d'ambiguïté», note Michel Messu.
Au sociologue de prendre comme exemple, l'ancienne ministre française, Simone Veil, dont la chevelure abondante était tenue en chignon durant toute sa carrière politique et bien après. Les cheveux de la ministre ont même fait l'objet d'une séquence devenue culte à la télévision française dans laquelle Christophe Dechavanne, en jeune présentateur culotté, lui demande de défaire son chignon en direct.
Pour l'anecdote, Simone Veil expliquait alors que ce chignon lui permettait de se recoiffer tous les jours pour être présentable. Le côté pratique, encore et toujours.
N'en déplaise à une marque de shampoing qui lança ce slogan en 1999, il est illusoire de croire que l'on peut tout faire avec nos cheveux. Le choix de sa coupe répond aussi aux contraintes biologiques. En effet, sans vouloir initier une leçon de coiffure, sachez que les signes du vieillissement du cheveu sont l'apparition du cheveu blanc et la perte de volume. On peut donc déduire qu'une femme dont les cheveux commencent à s'effiler choisira de raccourcir sa coupe peu à peu.
A cela, vous ajoutez les stéréotypes et images souvent négatives qui sont associés aux cheveux longs grisonnants et vous comprenez pourquoi certaines femmes choisissent de se couper les cheveux. Mais alors, c'est tout? Nous n'avons jamais été libres de choisir notre coupe de cheveux? Michel Messu tempère ce constat.
La chevelure se trouve donc à la croisée des contraintes biologiques, des normes sociales, des choix individuels et aussi des effets de mode. Si nous regardons de plus près les candidates au ticket PS pour le Conseil fédéral, seule Evi Alleman, 44 ans, conseillère d'Etat en charge de la justice du canton de Berne a les cheveux mi-longs. Sera-t-elle la première conseillère fédérale aux cheveux mi-longs en succédant à Simonetta Sommaruga? Si oui, gageons que sa coupe de cheveu ne fera pas l'objet de discussions au sein de l'exécutif fédéral. Si oui, elle lancera peut-être une nouvelle mode.