Ce jeudi, toute la Suisse se réjouit. Les mesures Covid, c'est (presque) fini. Il ne reste plus que le masque dans les transports en commun pour nous rappeler que la pandémie n'est pas encore terminée. Mais face à cette euphorie, des voix discordantes se font entendre. Car pour certaines personnes à risques, la levée des restrictions n'est pas un soulagement.
C'est vraiment chaud de voir tout le monde célébrer la fin des mesures covid quand t'es une personne vulnérable ptn.
— Naïma (@bravebanane) February 16, 2022
Vous l'avez bien fait d'ailleurs en supprimant le port de masque dans les magasins.Pas facile d'éviter de s'y retrouver aux heures de pointe pour s'acheter à manger quand on est une personne vulnérable active. certains vulnérables travaillent à la coop ou migros, comment dire...
— Patricia SNA (@SnaPatricia) February 17, 2022
«Au téléphone, beaucoup de gens nous disent: "C'est incroyable, on nous laisse tomber. Mais moi, je continue à avoir peur, ne comptez pas sur moi pour aller au bistrot dans ces conditions"», raconte Christiane Jaquet-Berger, présidente de l'AVIVO, l'association suisse de défense des retraités. L'ancienne conseillère nationale socialiste ajoute:
Elle s'étonne notamment que le Conseil fédéral ait supprimé le port du masque obligatoire dans les supermarchés. «C'est curieux, d'autant plus que c'est une mesure que la population acceptait largement.» A titre personnel, Christiane Jaquet Berger affirme qu'elle continuera de mettre un masque pour faire ses courses.
De manière plus générale, la présidente de l'AVIVO regrette que les mesures de protection face au virus soient désormais une question de responsabilité individuelle:
Une décision qui a toutefois laissé un goût amer chez certains des retraités avec lesquels elle a eu contact: «Tout à coup, ils ont le sentiment que l'économie passe avant la santé des gens vulnérables.»
Car si le Conseil fédéral a levé la plupart des restrictions, le virus, lui, est toujours bien présent. Le nombre d'infections quotidiennes baisse rapidement, mais ce jeudi, l'OFSP enregistrait encore près de 20 000 cas en 24 heures. «La circulation reste importante. Avec la fin de la plupart des obligations, c’est maintenant à chacun d’entre nous de décider comment nous comporter», confirme la bioéthicienne Samia Hurst-Majno. Elle poursuit:
La spécialiste décrit les deux catégories concernées:
La semaine passée, avant la décision du Conseil fédéral, la spécialiste invitait sur Twitter à continuer à porter le masque dans les espaces clos pour protéger les plus vulnérables. Elle continuait:
Comment vit-elle donc le choix des autorités de lever l'obligation du port du masque à l'intérieur, hormis dans les transports publics? «J’espère que le port du masque ne va pas disparaître tout de suite dans les supermarchés. Les personnes à risque doivent en tout cas avoir accès aux denrées de base, sans cela on leur demanderait de renoncer à certains droits juste parce qu’un effort assez modeste nous aurait paru excessif», observe Samia Hurst-Majno.
Dans ces conditions, regrette-t-elle la décision du Conseil fédéral? «Je suis surtout reconnaissante de ne pas avoir eu à la prendre. Ici, je vous décris certains aspects de la situation, mais ces décisions politiques doivent tenir compte de toutes sortes d’éléments, y compris, mais pas seulement, des aspects scientifiques et éthiques.» La bioéthicienne souligne toutefois un principe moral:
La spécialiste rappelle que ce n'est pas parce que les mesures de précaution ne sont plus obligatoires qu'on ne peut plus les appliquer. Surtout que cette prudence collective ne sera pas éternelle. «Il y aura un moment où la circulation virale deviendra assez faible pour que la protection individuelle suffise», affirme-t-elle.
Ainsi, pour le moment, Samia Hurst-Majno compte continuer à porter le masque, pour elle et pour les autres. Car la médecin le souligne, dans un espace clos, une personne à risques est 20 à 200 fois mieux protégée si tout le monde met un masque chirurgical et elle aussi, que si elle seule en porte. Même un FFP2.
A l’heure du masque facultatif, l’accès aux biens essentiels reste fondamental
— Samia Hurst-Majno (@samiahurst) February 17, 2022
Là où tous devaient pouvoir aller malgré le certificat, tous doivent pouvoir aller malgré le virus
Mon conseil donc: pour le moment, un lieu sans certificat avant, c’est avec masque maintenant
«Et il ne faut pas se décourager si vous voyez que certains ne le font pas, précise l'experte. Que certains portent le masque, cela participe déjà à une meilleure qualité de l'air.» La qualité de l'air, justement, c'est l'un des enjeux pour protéger les plus vulnérables. La bioéthicienne pointe l'utilité d'une bonne aération des espaces clos et de l'utilisation d'un capteur CO2 pour savoir quand ouvrir la fenêtre.
Autre manière de préserver les personnes à risques, se faire tester avant d'aller les voir. «C’est prudent, mais attention: ce n'est pas une garantie absolue. On peut être négatif alors qu'on est déjà contagieux», nuance l'experte. Elle explique qu'il est également important de s'interroger sur nos activités sociales des jours précédents. Car:
De son côté, Christiane Jaquet-Berger suggère de faire attention au lavage des mains et de refréner les envies de se saluer avec un contact physique. Pour autant, elle affirme que ne plus voir les personnes âgées, même si c'est pour les protéger, n'est pas une bonne solution. «Terminer sa vie seul est un vrai malheur. C'est une perspective horrible.»
Et Samia Hurst-Majno de conclure en soulignant l'évidence: «Il faut discuter avec les gens concernés pour leur demander à quel point ils vont prioriser la sécurité par rapport aux interactions: c’est aussi cela, la liberté.»