C'est la grande mutation. Ce mardi 4 janvier, les six membres du comité directeur des Amis de la Constitution, mouvement qui a porté les deux référendums contre la loi Covid, ont annoncé qu'ils démissionnaient en bloc. «La confiance mutuelle s'est détériorée au point de bloquer le travail du comité directeur», expliquent-ils dans leur communiqué. Les membres remettent leur mandat à disposition en vue d'élections anticipées, qui auront lieu au plus tôt à la fin du mois de février.
Trois jours avant leur annonce, c'est déjà le co-président de l'association Werner Boxler qui se retirait, déclarant que «sa mission d'avoir contribué à initier un mouvement collectif porté par un idéal démocratique est arrivée à terme». Le fer de lance romand précisait:
Pas besoin de pratiquer la divination pour lire entre les lignes: les Amis de la Constitution pourraient se destiner à devenir sinon un parti, du moins une formation politique avec des candidats à des élections. Une perspective, précisément, qui ne plairait pas à tous les membres de l'association, et qui est d'autant plus possible que les jeux sont maintenant ouverts, une nouvelle direction devant être élue.
Selon nos informations, la question de la nature de la structure serait en effet au cœur des désaccords internes, s'ajoutant aux problèmes de communication et de malentendus rapportés officiellement.
Sur son blog personnel, le journaliste et éditeur Christoph Pfluger, ancien membre du comité du mouvement auquel il apporté de nombreuses adhésions, plaidait en décembre pour une candidature directe ou indirecte des Amis de la Constitution aux élections fédérales de 2023. Selon l'Aargauer Zeitung, l'ancien membre du comité directeur Michael Bubendorf était également favorable à une association plus politisée. C'est également le vœu de plusieurs autres membres de l'association.
Les arguments pour une professionnalisation politicienne du groupe? Porter un référendum qui est certes, refusé, mais qui récolte les «Oui» de 40% des votants, ce n'est pas rien. Le mouvement compte dans le pays. Surtout: il regrouperait à l'heure actuelle plus de 25 000 adhérents, soit un peu moins du triple du parti Les Verts.
Le mouvement a-t-il pour autant, ce que Christoph Pfluger appelle un «potentiel électoral de 15 à 20%»? Le politologue René Knüsel n'irait pas jusque-là: «Un parti doit s'inscrire dans le temps avec des objectifs pérennes, qui résistent aux changements de la société.» Dans leur charte, les Amis de la Constitution «s’engagent à œuvrer pour une Suisse libre, souveraine, juste, solidaire, humaniste et respectueuse de la vie, conformément au préambule de la Constitution fédérale.» L'ancien professeur de l'Université de Lausanne pointe ce qui est aussi bien la force que la limite de ces valeurs:
L'historien Olivier Meuwly, qui a beaucoup étudié les partis politiques suisses, réagit de la même façon: «qui serait contre la Constitution?» Cela ne suffit pas: «Il manque un ADN intellectuel qui les différencie des autres familles politiques. Et ça ne se fait pas en deux mois», appuie le spécialiste de la démocratie et de la Suisse du XIXe siècle. Pour réussir une transformation en parti politique, le mouvement des Amis de la Constitution doit en outre relever trois défis très difficiles en l'état selon nos interlocuteurs:
Il n'empêche, de prochains scrutins permettront au mouvement citoyen de se profiler: les Amis de la Constitution soutiennent le référendum contre le paquet d'aide aux médias. Et leur grand objectif reste le lancement d'une initiative, en plein dans la ligne de leur volonté de rétablir un ordre constitutionnel jugé perdu. René Knüsel peine néanmoins à voir comment ces thèmes beaucoup moins concrets que le sort des non-vaccinés dans la société pourraient captiver un large électorat.
Contacté par watson, Werner Boxler ne souhaite pas commenter les événements pour le moment. Il a surtout besoin de repos: l'année qui s'est écoulée a été intense, trop peut-être, pour ce Saint-Gallois qui réside à Lausanne depuis vingt ans et qui s'est retrouvé être l'un des porte-voix des défenseurs de la Constitution suisse face à un pouvoir fédéral qu'ils estiment corrompu ou, en tout cas, de moins en moins légitime.
Toute la question pour les Amis de la Constitution sera précisément de savoir s'ils souhaitent réformer le système de l'intérieur ou s'ils estiment cette tâche impossible. Dans le second cas, c'est potentiellement un destin de «gilets jaunes» qui les attend: beaucoup de bruit, puis pschit. La guerre des égos qui semble se déchaîner en est un premier signe. Mais rien n'est encore écrit. Selon la NZZ, voilà déjà que les manœuvres «pour les modalités des nouvelles élections commencent maintenant dans les coulisses».