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Analyse

Hans-Ueli Vogt: un UDC gay au Conseil fédéral?

Der Zuercher Ex-Nationalrat Hans-Ueli Vogt anlaesslich der Delegiertenversammlung der SVP Schweiz vom Samstag, 22. Oktober 2022 im Schulhaus Staffeln in Luzern. (KEYSTONE/Urs Flueeler).
Hans-Ueli Vogt, candidat UDC au Conseil fédéral. Image: KEYSTONE
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Un gay au Conseil fédéral? «Il y en a plus que vous ne pensez à l'UDC»

Et si c'était parce qu'elle est dure et parfois extrême qu'une certaine droite attire à elle, pour différentes raisons, des adhérents issus des minorités LGBT?
24.11.2022, 05:5228.11.2022, 16:48
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Le week-end prochain à Echallens, dans le canton de Vaud, Catherine* participera pour la première fois à l’assemblée des femmes romandes de l’UDC. Le 23 décembre 2020, elle faisait son coming-out, confie-t-elle à watson. Auparavant, Catherine était un homme aux yeux de la loi. Aujourd’hui, elle est une femme, reconnue comme telle. Agée de 49 ans, mère de six enfants après avoir été leur père, elle est inscrite à la section du Gros-de-Vaud de l’Union démocratique du centre.

Une femme transgenre membre de l’UDC? Le parti de la droite identitaire devra s’y faire et les partis de gauche aussi. D’autant plus que le 7 décembre, à l’occasion de deux élections complémentaires ce jour-là au Conseil fédéral, celui-ci pourrait accueillir en son sein le premier sage ouvertement homosexuel, UDC qui plus est, le Zurichois Hans-Ueli Vogt. Voilà qu’un UDC pourrait empiéter sur le domaine réservé de la gauche: le progressisme.

Comment peut-on être gay, lesbienne ou trans et adhérer à un parti jugé réactionnaire, voire d’extrême droite par ceux que n'apprécient pas du tout l'UDC? N'est-ce pas incompatible? Renversons le questionnement: et si c'était précisément en raison de sa radicalité, de ses discours «sans filtre» sur certains sujets, que cette droite-là attirait à elle des personnes homosexuelles ou trans?

«J'ai vécu une injustice»

Dans le cas de Catherine, qui dirige une petite entreprise, c’est à la suite d'une mauvaise expérience avec la Ville de Lausanne qu'elle a adhéré à l’UDC, le 22 février dernier, raconte-t-elle. «Ma femme, mes enfants et moi habitions un logement social de cinq pièces. Les autorités lausannoises m’ont dit que je gagnais trop pour pouvoir rester dans cet appartement. Nous avons dû partir et c’est une famille immigrée qui a emménagé à notre place», affirme-t-elle, estimant avoir vécu là une injustice. Finalement, un mal pour un bien, puisque la famille a trouvé à se reloger dans une maison à la campagne, au calme.

Pour cette néo-militante de l’UDC, «la gauche est complètement déconnectée des réalités de la classe moyenne inférieure». Son jugement à son endroit sur les questions sociétales est d'une extrême sévérité:

«La gauche, dans son délire inclusif, n’a de cesse de vouloir récupérer électoralement les minorités, comme elle dit. Elle n’a que le mot d’égalité à la bouche. Son combat nous stigmatise plus qu’autre chose»

Catherine pense trouver un bon accueil chez les femmes romandes de l’UDC. Qui aurait imaginé cela possible il y a dix ou vingt ans?

C’est à cette époque que tout a commencé au grand jour en Suisse pour le parti conservateur. A la toute fin des années 1990, le Bernois Thomas Fuchs, la trentaine, membre de l’UDC, était outé. Il assuma son orientation sexuelle et affronta les commentaires homophobes au sein de son parti. Il aurait pu changer de crèmerie, s'inscrire au PS qui l’aurait peut-être accueilli comme une prise de guerre. Mais ce capitaine à l’armée ne se sentait pas d’atomes crochus avec une formation antimilitariste. Dix ans plus tard, Thomas Fuchs créait une section gay à l’UDC suisse, suscitant du dégoût chez un jeune membre de l’UDC valaisanne, qui compara alors l’homosexualité à une «tumeur». A présent, ce type de réaction vaudrait sans doute à son auteur une exclusion immédiate du parti. La section gay, elle, existe toujours et compte des «centaines de membres», affirme son fondateur.

«Froide tolérance»

Cet ex-militant vaudois de l’UDC de 52 ans, homosexuel et antivax convaincu, qui a quitté sa formation en raison de divergences avec la politique sanitaire menée durant la crise du Covid-19, parle d’une «froide tolérance» pour les gays à l’intérieur du parti. «Au début, les visages sont un peu pincés, mais comme on picole pas mal à l’UDC, très vite tout le monde se décoince», raconte-t-il. Comme Catherine, il a une très mauvaise opinion de la gauche, à qui il dénie le droit de représenter les minorités, du moins les gays. Il dit:

«Sucer de la bite, c’est pas de l’idéologie»
Un ancien membre vaudois de l'UDC

«Au PS, enchaîne-t-il, remonté, on trouve des cassos et des bobos, alors qu’à l’UDC, il y a une vraie variété d’individus, des profils de différentes couleurs, origines et classes sociales.»

Le conseiller communal d’Yverdon Ruben Ramchurn l’affirme:

«A l’UDC, mon parti, il y a beaucoup plus de gays qu’on ne le pense. Pour beaucoup d’entre eux, l’orientation sexuelle n’est pas un sujet politique. Ce qui change avec Hans-Ueli Vogt, le candidat au Conseil fédéral, c’est qu’il est ouvertement homosexuel»
Ruben Ramchurn

Il a fallu se battre à l’intérieur de l’UDC pour faire entendre les voix en faveur du mariage pour tous, les délégués du parti s’étant exprimés clairement contre cette loi. Ruben Ramchurn faisait partie de la minorité favorable à ce changement.

Marine Le Pen, «cocon gay»

En France, le Front national, devenu Rassemblement national en 2018, a fait office de refuge pour de nombreux gays dès que Marine Le Pen, passant à leurs yeux pour une figure maternelle protectrice, en devint la présidente, en 2011. Le FN gagna alors l’image d’un parti gay-friendly, en dépit des propos horribles qu’avait tenus Jean-Marie Le Pen sur les homosexuels dans les années 1980, lorsque le Sida tuait beaucoup d’entre eux.

Sa fille Marine, pas en première ligne du combat contre le mariage pour tous, lorsque cette proposition de loi mit la France catholique conservatrice dans la rue, s’entoura de cadres dont certains étaient homosexuels. De jeunes gays rejoignirent la formation d’extrême droite, en réaction, disaient-ils, à des brimades ou vexations imputées à des jeunes gens de leur âge issus de l’immigration maghrébine ou subsaharienne.

«Valeurs viriles»

Mais les homosexuels attirés par la droite dure ou l’extrême droite ne sont pas tous en quête d'un cocon protecteur. L’ex-membre vaudois de l’UDC, lui-même gay, donne d'autres explications:

«La droite dure ou l’extrême droite incarne l’ordre, l’armée ou encore l'uniforme. Pour une partie des gays, il y a là tout simplement un attrait pour des valeurs viriles. Comme s’ils sentaient qu’ils avaient quelque chose à prouver, aux autres, mais surtout à eux-mêmes, par effet de réparation ou de compensation. A l’extrême droite, il y eut en Hollande le tribun Pim Fortuyn, ouvertement homosexuel, et anti-islam, assassiné en 2002 par un militant d’extrême gauche. En Autriche, mais on n'apprit son homosexualité qu'après sa mort due à un accident de voiture, en 2008, il y eut le leader du parti FPÖ Jörg Haider.»

Et si être homosexuel ne préjugeait de rien, en bien comme en mal?
*Prénom modifié​

Le nouveau passeport suisse
Video: youtube
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