Les cantons devraient pouvoir tenir des listes noires des mauvais payeurs de primes d'assurance maladie. Le Conseil national a approuvé jeudi par 98 voix contre 92 et 2 abstentions un projet en ce sens.
Actuellement, seuls les cantons d'Argovie, de Lucerne, du Tessin, de Zoug et de Thurgovie utilisent les listes d'assurés en retard de paiement. Le gouvernement du canton de Saint-Gall les a abolies en décembre. Et le projet ne cesse de faire débat dans le pays.
Les listes noires recensent toutes les personnes payant, en retard, le montant de leurs primes d'assurance. Le but étant de leur restreindre l'accès aux services de santé, leur laissant alors uniquement un droit «aux traitements d’urgence», explique l'Union syndicale suisse (USS).
Au départ, la volonté première des défenseurs était, d'après la première organisation faitière des syndicats suisses, d'obliger les assurés à régler leurs factures. Les défenseurs considérant ces derniers comme de simples resquilleurs, sans tenir compte de la précarité dans laquelle vivaient certains et qui les empêche souvent de s'acquitter de leurs obligations dans le temps imparti, regrette l'USS.
Et pour cause, sur son site, elle rappelle que depuis sa création, le principe a mené à plusieurs débâcles, dont la plus dramatique d'entre elles. En 2018, un patient séropositif du canton des Grisons est mort après s’être vu refuser le financement de ses médicaments par sa caisse maladie parce qu’il était en retard dans le paiement de ses primes. Sur son arrêt de mort, ce n'est pas le virus du VIH qui avait été mis en cause, mais les listes noires des cantons.
A la suite de cet événement, de nombreuses organisations et partis politiques ont exhorté l'arrêt de ce projet. Et aujourd'hui encore, le débat fait rage. A l'aube d'une possible mise en vigueur du projet, pour Manuela Weichelt (Verts/ZG), ces listes noires «ne fonctionnent pas». Elle rappelle que les personnes qui ne paient pas leurs primes vivent souvent avec peu d'argent. Un avis partagé par Jörg Mäder (PVL/ZH) qui considère le projet comme «un danger pour l'accès aux soins». Elles créent des inégalités de traitement, a également rappelé le ministre de la Santé Alain Berset.
La Chambre du peuple, qui a indiqué avoir entendu les inquiétudes, a apporté quelques modifications à la version du Conseil des Etats:
Pour Philippe Nantermod (PLR/VS), cette disposition est un «ovni». Les assurances pourront directement se faire payer en ponctionnant le salaire des assurés. «C'est une exception qui n'a pas sa place.» Si Christian Lohr (Centre/TG) a rappelé que le projet ne prévoit pas une obligation de tenir de telles listes, reste que les cantons peuvent toujours le faire.
Le projet qui fait tant débat prévoit dans le même temps que les cantons le souhaitant puissent reprendre des assureurs les actes de défaut de bien ou les titres équivalents à hauteur de 85% de la créance et les gérer eux-mêmes. Cela permettrait de libérer les assurés et de leur permettre de changer de caisse-maladie et de modèle d'assurance.
Les enfants ne devront, quant à eux, plus être tenus pour responsables des primes impayées par leurs parents. Ils ne figureraient donc pas sur les listes noires. Cette disposition vaudrait également pour les jeunes adultes encore en formation, ont décidé les députés.
Le nombre de poursuites serait limité à deux par année. Les montants des frais de rappel et de sommations des assureurs devraient également être limités. Ils devraient refléter uniquement les frais effectifs des assureurs. Au vote sur l'ensemble, le projet a été adopté par 191 voix et une abstention. L'objet retourne au Conseil des Etats. (ats/mndl)