C'est un référendum qui restera comme un revers cinglant pour le Parlement, le Conseil fédéral et l'industrie numérique: le 7 mars 2021, les Suisses rejetaient massivement (64,4%) la loi sur l'identité électronique (e-ID). Il s'agissait d'un projet de numérisation de grande envergure, impliquant la Confédération, les cantons et les entreprises privées. Mais les doutes relatifs à la protection des données et à la mise en œuvre du projet étaient trop forts.
Quelques semaines après l'échec, watson révélait que le Conseil fédéral, d'accord avec le Parlement, souhaitait revoir sa copie. Cela s'annonçait prometteur: dès 2022, les politiciens allaient plancher à nouveau sur l'identité électronique. De fait, les signes sont bien là. Le Conseil des Etats doit se prononcer, aujourd'hui, de façon définitive, sur la marche à suivre.
Voici, en trois points, de quoi il retourne:
Le Conseil des Etats s'est prononcé lundi sur six motions appelant à une «e-ID d'Etat digne de confiance». Les motions sont toutes identiques et émanent d'élus de tous bords politiques – à l'exception du Centre.
Voici ce qu'elles demandent en substance: le Conseil fédéral est invité à revoir son projet d'identité numérique et à tirer les leçons du ratage de l'année dernière. Les sénateurs souhaitent que l'e-ID soit offerte par l'Etat et que divers aspects de la protection des données soient pris en compte.
Si elles sont acceptées par le Conseil des Etats et le Conseil national, les six motions devront être mises en œuvre par le Conseil fédéral. Ce qui se passe en règle générale, c'est qu'après le «oui» des Chambres fédérales, l'Exécutif rédige une nouvelle loi ou un amendement à la loi, qui doit ensuite être à nouveau débattu au Parlement.
Il y a des raisons d'espérer que les choses iront vite avec le projet d'e-ID, à condition que le Conseil des Etats approuve les motions de ces jours. Le Conseil national a déjà donné son feu vert, c'était à l'automne 2021.
Les Etats devraient dire «oui» aussi. La ministre de la Justice Karin Keller-Sutter (DFJP) a annoncé l'année dernière que le Conseil fédéral travaillait d'ores et déjà à l'élaboration d'une nouvelle loi sur l'identification électronique, indépendamment des motions. En 2021, il y a déjà eu plusieurs rencontres et discussions avec les scientifiques, l'économie et les cantons. A l'époque, Keller-Sutter avait déclaré:
Ces voix ont maintenant été entendues. Fin 2021, le Conseil fédéral a pris une orientation claire: il s'est prononcé assez nettement en faveur de ce que réclament les motions du Conseil des Etats:
Les détails seront fournis dès l'automne prochain: le Conseil fédéral a annoncé son intention de soumettre à consultation une nouvelle loi sur l'identité électronique à la mi-2022. Autrement dit, si le Conseil des Etats dit «oui» aujourd'hui, tout ira très vite.
L'e-ID est une preuve d'identité électronique. Pour faire simple, il s'agit de copier sur Internet le concept de «carte d'identité» ou de «document de voyage». Cela devrait permettre aux citoyens de s'identifier clairement sur Internet.
Les avantages les plus évidents concernent les relations avec les services gérés par les pouvoirs publics: avec un login e-ID, une attestation des poursuites ou un extrait du casier judiciaire peut être reçue à domicile sans avoir à passer par le guichet de la poste, par exemple.
Mais des applications privées sont également possibles: les banques et autres entreprises pourront signer plus facilement des contrats avec leurs clients. Une partie de cela est déjà possible aujourd'hui par le truchement des webcams: les comptes bancaires peuvent être ouverts numériquement, les nouveaux clients devant montrer leurs cartes d'identité dans une sorte d'«appel vidéo». Avec l'e-ID, cependant, cette opération devrait être simplifiée et rendue plus sûre, sans compter que les petites entreprises peuvent y recourir à moindre coût: un service de courrier électronique sécurisé est prévu, qui permettra de certifier l'adresse.
Toutes les motions débattues ont été jusqu'à présent largement approuvées. Mais récemment est apparue une pomme de discorde relative à la mise en œuvre concrète du dispositif: en 2021, le peuple a rejeté une première proposition de loi sur l'identification électronique. Les critiques portaient principalement sur le «partenariat public-privé» impliqué dans l'identification numérique: il préconisait un partage des responsabilités, entre l'Etat et le privé. La nouvelle version évite cet écueil: à l'avenir, l'E-ID ne sera proposée que par l'Etat.
Le Conseil des Etats a tacitement accepté lundi les six motions identiques du National. Une nouvelle loi devrait être mise en consultation milieu 2022.