«Gâtés, menteurs, radicaux!». C'est ainsi que le quotidien Bild qualifie ce jeudi les activistes climatiques, dans un article-coup de gueule d'une rare violence. La raison? Deux jeunes militants allemands attendus au tribunal suite à une action de blocage ont séché leur procès, en préférant partir en vacances à Bali. En s'y rendant en avion. Scandaleux!!!, s'étrangle le journal, qui se rue sur ce prétexte pour sortir une acerbe tirade populiste:
Ça sent la vieille rengaine: ces «djeunes» qui nous interdisent tout n'hésitent pas une seconde à sauter dans un avion pour aller se prendre en selfie à l'autre bout de la planète, en déversant dans l'atmosphère qu'ils affirment vouloir protéger des tonnes de CO2. C'est contradictoire, c'est hypocrite. Tant qu'ils ne respectent pas leurs propres principes, ils n'ont aucune leçon à nous donner.
On peut donner raison au Bild - et à tous les autres médias qui se sont jetés sur l'«affaire» - sur un point: ces activistes peuvent être fatigants. Pas seulement pour les automobilistes qui se retrouvent coincés à 07h30 sur le chemin du travail suite à une action de blocage, mais plus généralement pour nous tous.
C'est le danger lorsqu'on revendique quelque chose: on apparaît comme un donneur de leçon. Et, forcément, ça dérange, encore plus quand ton compte Instagram semble affirmer joyeusement le contraire de ce que tu prêches.
Mais ce récit oublie un détail fondamental: le changement que ces activistes demandent ne se limite pas aux avions. Ni aux voitures, d'ailleurs. Ce que les mouvements climatiques prônent, c'est une transformation générale de notre mode de vie. Les sources des émissions de gaz à effet de serre sont si nombreuses, les comportements polluants si variés, que renoncer à une seule chose ne suffit plus.
Le sujet est très émotionnel. Laissons parler les chiffres, alors. Les transports représentent 16,2% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, selon les données de l'Université d'Oxford. Le secteur du bâtiment en génère 17,5%, l'agriculture 18,4% et l'énergie utilisée dans l'industrie 24,2%. Si l'on veut vraiment tenter de freiner le réchauffement climatique, objectif idéal que, espérons-le, tout le monde partage désormais, il faut agir en profondeur, sur de nombreux fronts.
A la lumière de cela, reprocher aux activistes de voler en avion paraît assez réducteur, voire carrément ridicule. Même si tous les avions cessaient de décoller demain, cela ne réduirait les émissions globales que de 1,9%. Insuffisant pour sauver la planète.
Il s'agit finalement d'un raisonnement bien trop facile, qui permet surtout de fermer les yeux face à une réalité désagréable. Avant de s'offusquer et de crier à l'incohérence, ce serait mieux de se poser deux ou trois questions sur son propre comportement. C'est la seule manière de tenter un atterrissage d'urgence avant le crash.