La lutte contre le réchauffement climatique passe également (voire surtout) par le secteur du bâtiment. C'est ce que pensent de nombreux mouvements climatiques, comme Renovate Switzerland ou Dernière Rénovation. Ceux-ci demandent aux autorités de rénover les immeubles mal isolés, afin de réduire leurs émissions de CO2.
La branche vaudoise de la Grève du Climat partage le même avis, mais avance des revendications plus radicales. Le mouvement «exige l’arrêt total des constructions et du béton», peut-on lire dans un communiqué publié mardi soir.
La phrase doit être interprétée de manière littérale. «Le simple fait de construire un bâtiment nuit énormément à l'environnement et contribue à artificialiser les sols», réagit Loris, membre de la Grève du Climat. «Notre objectif ultime est l'arrêt de toute nouvelle construction». Et le militant de développer:
Selon le mouvement, «ce serait malhonnête de dire que l’on construit pour loger». Depuis 2000, 68% des bâtiments construits en Suisse sont des maisons individuelles, mais seulement 28% de la population y vivent, illustre-t-il en s'appuyant sur un rapport de l'Office fédéral de l'environnement (Ofev).
«Beaucoup de bâtiments sont vides», poursuit Loris. «D'autres, liés à des activités polluantes, tels que les aéroports, pourront également être reconvertis. Dans notre vision de l'avenir, ces lieux sont amenés à disparaître».
En Suisse, le secteur du bâtiment représente 23,9% des émissions totales de gaz à effet de serre, selon des chiffres diffusés par l'Ofev relatifs à 2020. Moins que le domaine des transports (31,6%) ou de l'industrie (24,9%). Mais l'impact de la construction est plus large, dénonce la Grève du Climat: elle détruit les écosystèmes et participe ainsi à l’effondrement de la biodiversité. De plus, le béton est responsable de 8% des émissions de CO2 dans le monde, déplore encore le collectif. En Suisse, l’industrie du ciment serait en outre particulièrement polluante.
Tout cela doit s'arrêter, estime la Grève du Climat, qui a un plan: s'opposer à tous les projets immobiliers. Une stratégie déjà utilisée par le passé, mais qui sera désormais appliquée de manière systématique, dans l'objectif de «ralentir, bloquer et épuiser ce système destructeur».
Concrètement, ça se passe comme ça: chaque mardi et chaque vendredi, la Centrale des autorisations en matière de construction (Camac) publie toutes les nouvelles demandes de construction. Pendant un mois, toute personne résidant dans le canton de Vaud peut faire opposition. Un droit dont la Grève du Climat compte bien bénéficier. «Nous n'allons pas nous opposer à toutes les demandes, mais allons sélectionner toutes celles qui posent problème», détaille Loris.
Ces dernières comprennent par exemple la «construction de villas ou de piscines, ou la démolition d'un immeuble qui va être reconstruit juste à côté», développe le militant. «Ce mois, nous en avons identifié 66».
La Grève du Climat ne va pas uniquement s’opposer à tous les projets immobiliers. Elle invite la population à faire tout autant, dans l'espoir d'influencer les communes, à qui revient la décision finale.
Les expériences passées du collectif l'ont clairement montré, poursuit le militant: «D'où l'idée de démocratiser ce moyen de lutte, pour élargir l'impact de l'action». La Grève du Climat affirme par ailleurs «ne pas pouvoir faire confiance à l’Etat et aux institutions».
Au-delà de l'impact direct de cette stratégie, les militants de la Grève du Climat aspirent à un monde où l'on arrête de construire de nouveaux bâtiments. Avec quel impact sur les travailleurs du secteur?
Là encore, Loris pense au long terme. «Beaucoup de secteurs vont nettement évoluer, diminuer en activité voir disparaître», illustre-t-il. «C’est pourquoi il y a besoin d’un plan de reconversion professionnelle massif, notamment dans le secteur du bâtiment, qui sera moins actif».
Pour l'instant, on n'en est pas encore là. En attendant, chaque citoyen désirant participer peut se servir d'une lettre-type mise à disposition par le collectif et qui peut être envoyée à l’administration communale. L'action ne concerne pour l'heure que le canton de Vaud.