Récompenser les anges de la vaccination (nous, vous) en leur glissant 50 francs dans la poche à chaque indécis qu'ils auront fraîchement convaincu à l'apéro. Sortir d'un chapeau ministériel une «Semaine de la vaccination» qui a la dégaine d'un loufoque bivouac sanitaire. Déployer un bataillon de conseillers en tout genre, armés d'informations sur le vaccin. Et, enfin, réquisitionner une flotte d'unités mobiles pour servir le sérum sur un plateau. A quoi s'amuse le Conseil fédéral?
Alors qu'Alain Berset a voulu se glisser maladroitement dans le treillis d'un chef de guerre, le patron de la Santé nous a confirmé que la Confédération levait au contraire le drapeau blanc. L'objectif vaccinal de la Suisse est un échec mathématique cuisant. Et ce réveil bricolé dans l'urgence a le goût âpre d'une défaite qu'il faut qualifier de méritée.
Berne a présenté vendredi une artillerie qui n’a de lourd que ses conséquences. Ce sprint de la dernière chance démontre autant d'aplomb qu'une grappe de bénévoles humanitaires en chasse aux signatures, dans les gares, sous les trombes d'eau d'un lundi matin de novembre. Or, ne nous trompons pas de cible: ce ne sont pas forcément les armes qui font pouffer, mais le timing.
Basant leur objectif de couverture vaccinale sur un pourcentage théorique de 75% de volontaires en avril dernier, nos dirigeants ont ignoré cinq aspects pourtant primordiaux:
Avec des affiches singeant le verbiage des récoltes de fond pour une bonne cause ou badigeonnant de verni commercial une bonne affaire «à ne pas manquer», la Confédération s'est pris méchamment les pieds dans sa propre stratégie. Excès de confiance en soi et en la population? Assurément.
Si le Conseil fédéral avait dégainé cette artillerie présentée vendredi (comme une bouteille à l'amer) en début de campagne vaccinale déjà, personne n'aurait ricané. Pourquoi? Parce que ce n'est qu'à l'orée de l'hiver que nos puissants daignent (enfin) se pencher sincèrement sur les craintes de la population, en acceptant (enfin) de l'informer correctement sur le vaccin, ses bienfaits, ses risques, sa composition, son origine. Au lieu de le convaincre de se l'injecter à coups de punchlines sourdes, qui n'ont pas grand-chose à faire dans la lutte contre une pandémie.
Vendredi, nos sages n'ont donc pas essayé de sauver la campagne de vaccination, mais la face. Celle d'un pays qui a toujours eu une trouille tenace d'afficher une sévérité sanitaire à la française, mais qui n'a jamais réussi à saisir la convaincante diplomatie nordique. Le postérieur éternellement posé entre deux stratégies. Ce premier jour d'octobre marque une nouvelle étape dans la lutte nationale contre le Covid-19: notre ministre de la Santé dans la peau d'un nécessiteux fédéral: «A vot' bon cœur, m'sieurs dames...»