Pierre Maudet est indéniablement le candidat – à sa propre succession – le plus connu dans le canton. Et bien au-delà, d'ailleurs. Il fait partie de ces rares Romands connus en Suisse alémanique, non seulement en raison de ses démêlés judiciaires, mais également grâce à sa candidature avortée au Conseil fédéral.
Dans une élection majoritaire, on vote d'abord pour une personnalité. Pierre Maudet avait un boulevard devant lui. Ni son adversaire direct, le représentant du PLR Cyril Aellen, ni la Verte Fabienne Fischer ne jouissaient d'une telle notoriété.
Ils sont relativement peu connus du public. La preuve: même uni, l'électorat de gauche s'est peu mobilisé pour leur unique candidate. La Verte Fabienne Fischer arrive certes en tête dans la course au Conseil d'Etat, mais avec un score moindre qu'attendu vu la force de la gauche à Genève.
Contrit, Cyril Aellen le candidat malheureux du PLR dénonce sur Léman bleu le côté «rock star» de Pierre Maudet. Pourtant, c'est bel et bien grâce à une campagne hyper active sur les réseaux sociaux ET sur le terrain que Pierre Maudet a réussi à convaincre. «Lui au moins, il vient nous voir» pouvait-on lire sur Facebook après sa visite à Lancy vendredi dernier.
Là aussi, Pierre Maudet a marqué une claire différence vis-à-vis de ses concurrents, bien plus discrets, bien moins flamboyants.
Même blessé, même condamné par la justice, Pierre Maudet reste une bête politique. Il sait communiquer. Depuis sa démission du Conseil d'Etat, il n'a pas hésité à utiliser les grosses ficelles tant affectionnées par les populistes, tandis que ses adversaires se la jouaient sur la réserve.
Alors qu'il était il y a peu encore du côté des nantis, le magistrat démissionnaire s'est mis à critiquer sans retenue l'action de ses collègues du Conseil d'Etat. Il a dénoncé l'immobilisme du gouvernement et les lourdeurs administratives notamment dans les indemnisations des lésés du Covid-19.
En ouvrant sa permanence économique, il s'est positionné comme l'homme du peuple. Et le peuple le lui a bien rendu ce dimanche.
Récapitulons: Pierre Maudet a menti. Pierre Maudet a méchamment flirté avec le copinage. Pierre Maudet a été condamné à 300 jours amende.
Mais c'est bien connu, les gens adorent les bad boys. Et dans l'esprit de beaucoup, les politiciens sont «tous des menteurs». Alors quitte à choisir, au moins en prendre un que l'on connait. En plus, c'est un bosseur, lui.
En bon français, on parle d'une «Genferei». Autrement dit, une histoire invraisemblable qui ne peut arriver qu'à Genève.
Ailleurs, quand on est pris la main dans le sac, pour parfois bien moins que cela, on démissionne. Géraldine Savary dans le canton de Vaud. Frédéric Hainard dans le canton de Neuchâtel. Elisabeth Kopp au Conseil fédéral. Et tous les autres.
A Genève, pour toutes les (bonnes et mauvaises) raisons citées plus haut, 28 029 personnes ont voté pour Pierre Maudet. C'est certes moins que les scores auxquels il était habitué, mais ça place l'outsider dans une excellente configuration pour le second tour, surtout que la droite parait plus divisée que jamais.