Mercredi matin, lors d'une réunion du Conseil national organisée en urgence, notamment au sujet de l'accueil des réfugiés en Suisse, le président du groupe parlementaire UDC aux Chambres fédérales Thomas Aeschi a déclaré: «Il est inadmissible que des Nigériens ou des Irakiens avec des passeports ukrainiens violent soudainement des Ukrainiennes de 18 ans! Cela ne doit pas être autorisé.» Une information relayée dans la soirée par l'édition suisse alémanique de Blick; la polémique était lancée.
Dans les heures qui ont suivi, de nombreux internautes se sont empressés de crier au racisme: «On en a lu de la m*rde raciste, mais là l'UDC réussit encore à aller plus loin», «ce sont les gens comme Thomas Aeschi qui rendent ce pays exécrable de racisme ambiant», «dégueulasse et honteux», a-t-on pu lire sur Twitter. Oui, bien sûr les mots sont choquants. Mais dans cette affaire, la chose la plus étonnante, c'est plus volontiers l'indignation face aux propos que les propos eux-mêmes.
Aeschi a fait du Aeschi: utiliser n'importe quel prétexte pour cantonner son discours politique aux idées d'un parti qui tente désespérément de ranimer les joies conservatrices de l'Ancien Monde. Pour appuyer sa position, le conseiller national raffole d'ailleurs de raccourcis et de liens sans causalité.
En 2017, pour soutenir son initiative contre la naturalisation facilitée, le poulain de Blocher avait détourné un fait divers en faveur de ses ambitions nationalistes: «6 Erythréens ont battu un homme sri-lankais. Votez NON à la naturalisation facilitée le 12 février 2017!», avait-il publié sur Facebook. Dans les commentaires, la plupart avaient - à juste titre - demandé le rapport entre les deux faits.
Rebelotte quelques années plus tard, lorsqu'il s'est servi d'une affaire de viol dans un wagon CFF pour exiger un renforcement des contrôles aux frontières.
On connaît donc le personnage. Face à l'arrivée de milliers de réfugiés ukrainiens en Suisse, Thomas Aeschi s'est à nouveau servi d'une affaire de viol dans un centre d'asile à Düsseldorf, afin de justifier son opposition à l'accueil des 60 000 réfugiés de la guerre annoncés par le Conseil fédéral. Parce que si c'est arrivé en Allemagne, cela va forcément arriver en Suisse. Evidemment.
Pour ce diplômé d'Harvard, il ne s'agit pas d'étayer ces événements ou de rendre logiques les liens faits entre eux. Il est surtout question de communication: choquer pour être relayé. Et ce, vastement. Ceux qui votent UDC se complairont donc dans les propos de l'un des leurs. Les autres devraient dépasser leur indignation et agir dans les urnes. Ce n'est pas une protestation sur les réseaux sociaux qui culpabilisera ce conservateur. Au contraire: son succès s'en nourrit. Ce serait bien de s'en souvenir.