La petite phrase prononcée lundi devant des gymnasiens bâlois risque de se transformer en boulet non seulement pour son auteur Albert Rösti, mais pour l’ensemble du Conseil fédéral. En déclarant sa préférence pour Donald Trump dans l’élection présidentielle américaine, le conseiller fédéral UDC a fait preuve d’une grande imprudence. Voulait-il «parler vrai» face à des adolescents exigeant sincérité de la part des élus? C’est possible. Mais, en la circonstance, on n’attendait pas d’un membre du gouvernement suisse qu’il participe au jeu action ou vérité.
En quoi cette déclaration favorable à Donald Trump peut-elle porter préjudice au ministre de l’Energie et des Transports (DETEC), partant, au collège gouvernemental? Ce n'est pas tant le fait d’avoir manqué d’équilibre dans son appréciation du duel Trump-Harris, que le contexte explosif de l’élection américaine qui rend le jugement du conseiller fédéral potentiellement dommageable.
En temps normal, si l’on peut dire, on aurait parlé d’une gaffe – en soi problématique. Mais on n’est pas en temps normal. Donald Trump parle déjà de «tricheries» à l’approche du scrutin du 5 novembre et laisse entendre depuis plusieurs mois qu’il pourrait ne pas reconnaître le résultat des urnes. Albert Rösti sait tout cela.
Si, la semaine prochaine, en cas de victoire de Kamala Harris, une partie des «troupes» du battu républicain devaient s’insurger et mettre en danger la démocratie américaine, comme on le craint, espérons-le à tort, la position d’Albert Rösti au sein du Conseil fédéral en serait fragilisée. Il serait celui qui a accordé sa préférence à l’homme qui fait vaciller la plus grande démocratie du monde. Quoi qu’on pense du Bernois, par ailleurs humainement plutôt apprécié du personnel politique, ce serait du gâchis, car le Conseil fédéral a besoin d’hommes de sa trempe, capables d’imposer des compromis.
Le chef du DETEC serait pareillement affaibli en cas de victoire de Donald Trump suivie d’actes attentatoires à l'esprit des institutions américaines. On se souviendrait, en Suisse, en Europe aussi, où sa déclaration n’est pas passée inaperçue, du soutien d’Albert Rösti à un président se comportant en autocrate. Avant de s’exprimer comme il l’a fait devant des gymnasiens, le conseiller fédéral UDC aurait dû penser à l’assaut donné par les partisans de Donald Trump au Capitole le 6 janvier 2021. Un fait gravissime.
En Europe, seul le premier ministre hongrois Viktor Orban et des partis pro-russes – comme l’UDC? – ont apporté leur soutien au républicain. Même l’Italienne Giorgia Meloni, dont les idées sont réputées proches de celles de Donald Trump, n’a pas pris parti pour lui.
Quant au Conseil fédéral, la présence d’un Albert Rösti démonétisé dans ses rangs pourrait lui compliquer la vie.
Certains diront que le Bernois a eu raison de se mouiller en faveur de Donald Trump et que la Suisse serait gagnante en étant du camp du vainqueur si le républicain l’emportait.
De façon plus terre à terre, pour Albert Rösti et pour le Conseil fédéral, il faut espérer que l’élection américaine n’abîme pas la démocratie américaine.