Si l'on écoute un peu les échanges au sein de groupe socialiste, on se demande pourquoi Eva Herzog, Evi Allemann et Elisabeth Baume-Schneider n'aspirent pas plutôt à dominer le monde à la place de se contenter de se présenter au Conseil fédéral. En effet, leurs supporters ne tarissent pas d'éloges: elles ont toutes les trois un superbe talent politique, une grande expérience gouvernementale et une telle force de travail que chacune d'entre elles serait plus que capable d'assumer la fonction de conseillère fédérale.
Mais alors... pourquoi le groupe PS veut-il réduire ce merveilleux trio à un ticket à deux? La réponse: dans le camp socialiste, on ne voudrait apparemment pas laisser toute la décision à l'Assemblée fédérale.
L'honnêteté est peut-être passée au second plan, tant les tensions sont palpables avant la nomination par le groupe socialiste ce samedi. Car, en réalité, il n'y a qu'une seule raison pour un ticket à deux: les différents camps au sein du groupe parlementaire veulent écarter la plus forte concurrente de la course, afin de renforcer leur propre favorite. Mais c'est justement cette escarmouche tactique qui pourrait s'avérer être une rampe de lancement pour l'outsider, la Romande Elisabeth Baume-Schneider.
La Jurassienne est, en effet, considérée comme celle ayant le moins de chances devant le Parlement. Pourquoi? Car Simonetta Sommaruga, Bernoise, devrait être remplacée par une élue alémanique. D'ailleurs, le PLR l'affirme ouvertement et beaucoup d'autres, surtout des parlementaires alémaniques, sont probablement d'accord avec eux. Et paradoxalement, cela aide Elisabeth Baume-Schneider au sein du groupe PS: tant les alliés d'Allemann que ceux d'Herzog devraient l'inscrire sur leur ticket, ce serait une candidate alibi à côté de leur favorite.
Selon cette interprétation, la décision socialiste, attendue pour ce samedi, ferait pratiquement office d'élection de la nouvelle conseillère fédérale:
En tant que conseillère aux Etats, Eva Herzog a toujours œuvré pour entrer au Conseil fédéral et a déjà rassemblé derrière elle une partie considérable du groupe socialiste. Parmi ses supporters, on trouve surtout des députés zurichois ainsi que des collègues féministes, dit-on. Mais les critiques existent aussi: en tant que directrice des finances bâloise, elle s'est écartée de la ligne du parti précisément sur un thème clé pour le parti, qui est souvent suivi dans ses positions par les Helvètes lors des votations: la politique fiscale. Pour certains, elle serait «trop bourgeoise».
Cela joue aussi en faveur d'Evi Allemann qui, comme d'Eva Herzog, appartient à «l'aile droite» du PS. A 44 ans, avec des enfants en âge scolaire, elle présente en outre le profil souhaité par les dirigeants du PS. Et des handicaps:
Reste à savoir si le Parlement se laissera pratiquement dicter son choix par le groupe socialiste. En effet il est raisonnable d'avoir des doutes. Elisabeth Baume-Schneider en a surpris plus d'un en Suisse alémanique avec ses interventions, elle parle un excellent suisse allemand et elle dispose d'un très bon réseau au Conseil des Etats. Elle est perçue comme étant plus accessible qu'Eva Herzog... Et c'est un critère très important lors du choix: au Parlement, on réfléchit très sérieusement à la forme que pourrait prendre la future collaboration avec la magistrate.
Et, si elle est retenue par le parti samedi, il est bien possible que Baume-Schneider marque des points lors des auditions par les autres partis partis grâce à son ouverture d'esprit. (aargauerzeitung.ch)