Tout devrait être réglé cette semaine encore. Tout ? La marche à suivre. Vu la grande confusion entourant la suite à donner à l’initiative interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, pourtant dûment acceptée dimanche 7 mars, c’est déjà un pas de géant. Les Suisses connaîtront en principe dans les prochains jours le sort législatif qui sera fait à cet ajout constitutionnel, flottant pour l’heure dans les limbes du droit.
«J’ai eu au téléphone ce matin (lundi 15 mars) la cheffe du Département fédéral de justice et police (DFJP), Mme Keller-Sutter. Nous sommes convenus de sortir de l’ornière d’ici à la fin de la semaine», rapporte à watson Fredy Fässler, le directeur de la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP), saint-gallois comme la conseillère fédérale.
Une grosse bourde est à l’origine du problème. Les initiants du texte communément appelé «anti-burqa», ci-devant le Comité d’Egerkingen, où l’on retrouve l’UDC, les évangéliques de l’UDF et autres léguistes tessinois, ont péché par imprécision: dans leur initiative soumise au peuple, ils n’ont pas clairement désigné le parlement fédéral comme autorité devant assurer le suivi législatif en cas d’approbation.
Résultat, selon les services juridiques du DFJP, c’est aux parlements cantonaux de voter les lois d’application de ladite initiative. Comme l’impression de se voir refiler la patate chaude. D’autant plus que la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter avait dit son opposition à la prose constitutionnelle du Comité d’Egerkingen.
On devrait donc savoir cette semaine qui fera quoi. Trois pistes sont envisagées:
La réponse apportée par Karin Keller-Suter ce lundi 15 mars dans l’après-midi au conseiller national Jean-Luc Addor (UDC/VS), membre du Comité d’Egerkingen, peut fournir un indice. La Confédération est prête à légiférer, autrement dit à mettre en œuvre le texte de l’initiative, si les cantons le lui demandent. On peut penser que cette option-là tient la corde.
Une clochette nous signale que des cantons préféreraient peut-être la voie législative solitaire. Ceux qui, comme Genève, accueillent en nombre des touristes fortunés en provenance du Moyen-Orient, parmi eux des femmes vêtues d’un voile intégral.
Sous la pression des milieux économiques, ces cantons pourraient vouloir adopter une législation anti-«burqa» souple, prévoyant des amendes légères, ainsi qu’un acception vague de la notion de voilement intégral.
«D’après des chiffres de 2015 en notre possession, un touriste moyen-oriental dépense en moyenne 430 francs par jour en Suisse, contre 169 francs en moyenne pour le touriste d’une autre provenance», ajoute le directeur général de la CCIG, craignant l’effet négatif de la votation du 7 mars sur la clientèle précitée.
Si d’aventure, les cantons se retrouvaient à devoir légiférer – ils ont deux ans normalement pour le faire –, ils pourraient être confrontés à un jeu de pressions contradictoires, celle de milieux favorables à une interdiction stricte du voile intégral, celle de cercles jugeant cette disposition «islamophobe».
L’intérêt du Conseil fédéral, après avoir laissé planer le doute, est probablement d’affirmer son autorité sur un dossier sensible. Fallait-il qu'il donne l'impression de se défiler?