Il y a neuf jours mercredi, la ministre des Finances Karin Keller-Sutter (PLR) s'est exprimée sur les propositions du Conseil fédéral en matière de régulation des banques d'importance systémique. Trois minutes avant le début de la conférence de presse, le Tages-Anzeiger publiait une enquête sur son site: le Secrétariat d'Etat à l'économie, l'Autorité de surveillance des marchés financiers et la Banque nationale auraient exigé des règles plus strictes que celles de Keller-Sutter pour les grandes banques. «Il y a une dispute», titrait l'article.
Celui-ci a été rédigé sur la base d'une fuite. Une journaliste du Tages-Anzeiger a pu consulter des documents sur la préparation de la séance du gouvernement. Conséquence: la Chancellerie fédérale a déposé une plainte pénale auprès du Ministère public pour violation du secret de fonction.
Il y a trois semaines, une autre conseillère fédérale, Elisabeth Baume-Schneider présentait des propositions concernant le financement de la 13e rente AVS. Des informations que certains médias – dont CH Media – avaient déjà évoquées. Dans ce cas également, cela s'est soldé par une plainte pénale pour violation du secret de fonction. Après l'avoir examinée, le Ministère public de la Confédération a ouvert une procédure pénale contre X, comme l'a confirmé son porte-parole, Matteo Cremaschi.
Mais ce genre de démarches accouche presque toujours d'une souris. Les journalistes invoquent alors la protection des sources. Et trouver la fuite au sein de l'administration fédérale s'avère bien souvent impossible.
Plusieurs conseillers fédéraux ont affirmé que la «tolérance zéro» s'appliquait dans leurs départements en ce qui concerne la transmission d'informations confidentielles aux médias. Ce qui frappe dans cette soi-disant intransigeance, c'est qu'elle n'a aucun effet.
Pendant la pandémie, les indiscrétions constantes ont provoqué une crise de confiance au sein du gouvernement. Certains de ses membres ont même renoncé à déposer des propositions écrites – appelées co-rapports – avant les séances du collège, de crainte qu'un collègue ne transmette immédiatement le document aux médias.
Lorsque l'abcès a finalement été crevé au sein du gouvernement, le ministre de la Santé de l'époque, Alain Berset (PS), a été mis à la porte. Les «Corona Leaks» avaient révélé des contacts étroits entre le département de l'Intérieur du Fribourgeois et le patron de Ringier. Ce dernier a reçu des informations confidentielles sur la politique de Covid du Conseil fédéral par e-mail.
La Commission de gestion a rédigé une notice sur les Corona Leaks qui, malgré ses 88 pages, ne contenait que peu de nouveaux éléments. Mais les conclusions sur le département de Berset sont restées lettre morte. La commission a préféré proposer au Conseil fédéral des mesures pour endiguer les indiscrétions.
Le gouvernement n'a pas semblé très enthousiaste et les a quasiment toutes balayées. Il aimerait vérifier régulièrement qui a accès à la base de données des affaires sensibles. Et le gouvernement a chargé la Chancellerie fédérale de rédiger un «document sur l'élucidation et la répression des indiscrétions et des violations du secret de fonction».
En outre, l'Office fédéral du personnel élabore un «module d'apprentissage en ligne pour la prévention de la corruption». Il sera obligatoire pour tous les employés de l'administration fédérale.
Ces mesures timides le montrent: le Conseil fédéral n'attaque pas le problème à bras-le-corps. Il y a un intérêt politique à faire fuiter des informations confidentielles dans les médias. La Chancellerie fédérale dépose plainte uniquement pour la forme – et les fonctionnaires de justice perdent leur temps.
(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)